Il est une star mondiale, une marque globale, voire une référence universelle selon un institut très sérieux. Mais seize saisons sur le circuit n’ont pas déraciné l'ancien numéro un mondial: c’est un vrai Suisse, très fier de l’être, qui (espérons-le...) mouillera le maillot contre la France.
Roger Federer après sa victoire à Indian Wells, en 2012. REUTERS/Danny Moloshok.
Le 29 octobre 2013, Roger Federer, inscrit sur Twitter depuis quelques mois, poste le message suivant, en anglais: «De quel pays êtes-vous et choisissez trois mots pour le décrire.»
En quelques secondes, les réponses affluent du Canada, d’Inde, du Liban, de Malaisie, des Etats-Unis, du Brésil, d’Afrique du Sud, du Qatar, de Nouvelle-Zélande, du Pays de Galles… L’assemblée générale de l’ONU pourrait y passer.
Parmi les auteurs, un certain Stanislas Wawrinka. «L’autre» joueur de tennis suisse. Il fait sourire tout le monde en répondant: «Suisse, Federer, Banque, Chocolat».
Cette anecdote dit tout, ou presque, de Roger Federer. Elle montre qu’il est une star planétaire. Il a seulement besoin d’un claquement de doigt ou plutôt d’un glissé sur écran tactile pour mobiliser une cohorte de suiveurs enamourés. Mais Federer est aussi un citoyen suisse. L’image même de ce pays aux yeux d’un compatriote.
Le coeur du numéro deux mondial battra fort sous son maillot rouge au Stade Pierre-Mauroy de Villeneuve d’Ascq, à partir du vendredi 21 novembre, pour la finale de la Coupe Davis –s'il est finalement en état de la jouer.
C’est en tout cas ce que garantissent ceux qui gravitent autour de lui.
Voici comment et pourquoi l’homme qui parle trois langues, qui fait oeuvre de bienfaisance en Afrique du Sud (le pays de sa mère), qui vit une partie de l’hiver à Dubaï, qui fut couvé par un entraîneur australien en début de carrière, qui ira jouer bientôt en Inde deux ans après un autre détour par le Brésil, qui fut désigné en 2011 personne la plus digne de confiance du monde derrière Nelson Mandela par le Reputation Institute (est-il devenu numéro un avec la disparition de Madiba?); voici donc comment cet homme reste, envers et contre tout, un véritable archétype de la «Suissitude», «très fier d’être suisse» selon ses propres mots, «patriote à 150%» selon un de ses proches.
1. Il est chez lui sur tout le territoire
Il paraît que pour un enfant, tout se joue entre zéro et six ans. Entre zéro et dix-sept ans, ça marche aussi? «Je suis né là-bas, j’ai fait toute ma scolarité là-bas, mon apprentissage du tennis aussi», expliquait-il lors du tournoi de Bercy. Né à Münchenstein, autant dire à Bâle, il appartient à la majorité alémanique de la Suisse, celle dont dépend le pouls du pays. Mais il possède un ancrage sur l’ensemble du territoire de ce pays complexe et décentralisé.
Son père Robert est originaire de Berneck, près de la frontière autrichienne. A l’adolescence, Roger a travaillé son tennis à Ecublens, non loin de Lausanne, dans la partie francophone du pays. Plus tard, il s’installa à Bienne pour quatre ans. Et il a déménagé récemment à Wollerau, non loin de Zurich, dans le berceau de la Suisse historique, où la fiscalité est plus douce pour les fortunes nationales.
«Il est beaucoup plus suisse que la majorité des gens le pense, confirme René Stauffer, le biographe du joueur. Il est poli, équilibré, fiable dans le sens où sa parole a de la valeur, discret sur sa vie privée. Il aime tout ce qu’aiment les Suisses: balades, ski… Son goût pour le voyage est très suisse. Il suit les traditions nationales. Il joue au Jass, un jeu de cartes populaire typiquement suisse, même quand il est sur le circuit.»
2. S'il n'avait pas été suisse, il n'aurait pas progressé aussi sereinement
La Suisse est un pays qui entretient un rapport ambivalent avec le sport. La population profite de son cadre de vie exceptionnel pour s’adonner à toutes les disciplines au grand air, mais surtout le dimanche, sans culture de la compétition très développée. «Nous, les Suisses, nous sommes trop gentils, déplore Yves Allégro, ex-partenaire de Federer et actuellement chef de la relève à l’association de tennis suisse. L’éducation des jeunes est excellente mais elle ne forme pas pour s’imposer à l’autre.»
En dehors du ski, où il existe une culture du professionnalisme absolu, les futures stars du sport sont priées de tracer leur route toutes seules. «Roger a grandi dans un environnement sain, affirme Marc Rosset, champion olympique en simple en 1992 à Barcelone. S’il avait été français, une chaine de télé l’aurait suivi 365 jours par an dès son plus jeune âge. Vous auriez inventé Federer TV! Aujourd’hui, il ne pourrait pas manger au restaurant sans que ce soit une émeute. Avoir pu se construire dans le calme a été, pour lui, appréciable et très important.» Federer TV, on n’y croit pas. La une de Tennis Magazine, comme Gasquet à neuf ans, c’est bien possible.
3. Il est à la recherche de la perfection
La biographie de Roger Federer s’intitule Quest for perfection. Elle colle assez bien à l’image qui restera de son jeu gracieux et de l’économie de moyens qui caractérise son ballet tennistique. Elle colle surtout à la démarche consciente du joueur.
«Je ne vois pas pourquoi quelqu’un ne serait pas un jour capable de pratiquer un tennis parfait.» Cette phrase a été prononcée par Federer à l’âge de seize ans, quand son manque de maîtrise émotionnelle le conduisait encore à fracasser des raquettes s’il n’avait pas joué le coup idéal, loin du flegme suisse qui le caractérise aujourd’hui.
David Talerman est un expert en relations franco-culturelles suisse. Il explique:
«Dites à un Français que 98% d’un problème est réglé, il dira que c’est génial. Dites-le à un Suisse et il sera angoissé par les 2% restants. La notion de qualité et de perfection n’est jamais loin dans la conception d’un Suisse.»
«Le bonhomme est un perfectionniste, pas de doute, confirme Yves Allegro. Il a mis du temps à comprendre qu’il fallait accepter les erreurs, mais il l’a fait. Il ne laisse plus rien au hasard. Tous les détails l’intéressent.»
4. Il affiche en toute circonstance de l'hu-mi-li-té
Roger Federer a évidemment parfaitement conscience de sa valeur, sur et en dehors des courts. S’il sut parfois l’affirmer («Personne n’a d’ascendant sur moi», a-t-il dit, tant que Rafael Nadal n’était pas encore un crack confirmé), il manifeste, l’écrasante majorité du temps, une volonté très suisse de se fondre dans le décor. «Le fédéralisme suisse porte en lui le postulat suivant: "Nous sommes tous égaux, nous avons tous la même position dans la société", développe David Talerman. "Ce n’est pas parce que j’ai tel ou tel titre que je suis supérieur aux autres". Les Suisses n’aiment pas ce qui dépasse, ils le coupent systématiquement.»
Toutes les apparitions publiques de l’ex-numéro un mondial sont indexées sur cette obligation d’humilité. Sa façon de saluer le public après les victoires ne sert aucun égocentrisme, mais engage un renvoi d’ascenseur vers la foule. C’est Federer qui dit merci. C’est Federer qui implore un peu de retenue.
L’intéressé commente en des termes désarmants son statut de citoyen suisse le plus connu du monde: «Je suis conscient de n’être qu'un joueur de tennis. Je sais que cela peut créer beaucoup d’émotions, mais il ne faut pas non plus exagérer en disant que je suis beaucoup plus que cela.» Sa fortune a été construite sur un «hobby», a-t-il dit un jour au quotidien Le Matin.
5. En fait, il adore la Coupe Davis
Début 2005, Roger Federer, numéro un mondial, fait savoir qu’il ne disputera pas le premier tour de la Coupe Davis contre les Pays-Bas. Choc. C’est la première fois que le Maître se soustrait à son devoir consistant à porter l’équipe suisse seul à bout de bras.
Entre cette décision et son retour à plein temps en 2014, Federer aura eu une implication en pointillés pour la «Coupe du monde du tennis», telle qu’on sait l’appeler en France (du moins quand les Tricolores vont loin). Il prend quand même soin de faire acte de bravoure quand il s’agit de maintenir le pays dans le groupe mondial (sauf en 2010). Pour le reste, les changements de surface incessants, les voyages exotiques, il évitera, tant que Stan Wawrinka ne s’imposera pas comme un partenaire capable de l’aider à ramener le Saladier.
«Renoncer à la Coupe Davis n’a pas été une partie de plaisir pour lui, mais il faut comprendre que cela l’a aidé à gagner dix-sept titres du Grand Chelem», confirme Allegro. Rosset: «Tout le monde a l’impression qu’il n’a pas joué souvent en Coupe Davis alors qu’il a le double de matches de Nadal dans la compétition [et même plus, avec 64 matches contre 24, ndlr]» Federer a un autre raison d’adorer la Coupe Davis l’année de ses 33 ans: il ne l’a jamais gagnée, et a parfaitement conscience que l’avoir à son palmarès construirait encore un peu plus sa légende.
6. Être suisse, c'est son image de marque
La fortune de Roger Federer est estimée à 400 millions de dollars par les médias spécialisés. Environ 20% ont été collectés sur le court. Le reste provient majoritairement des sponsors qui cherchent à capter une partie de sa lumière. C’est-à-dire sa «suissitude».
Le coeur du numéro deux mondial battra fort sous son maillot rouge au Stade Pierre-Mauroy de Villeneuve d’Ascq, à partir du vendredi 21 novembre, pour la finale de la Coupe Davis –s'il est finalement en état de la jouer.
C’est en tout cas ce que garantissent ceux qui gravitent autour de lui.
Voici comment et pourquoi l’homme qui parle trois langues, qui fait oeuvre de bienfaisance en Afrique du Sud (le pays de sa mère), qui vit une partie de l’hiver à Dubaï, qui fut couvé par un entraîneur australien en début de carrière, qui ira jouer bientôt en Inde deux ans après un autre détour par le Brésil, qui fut désigné en 2011 personne la plus digne de confiance du monde derrière Nelson Mandela par le Reputation Institute (est-il devenu numéro un avec la disparition de Madiba?); voici donc comment cet homme reste, envers et contre tout, un véritable archétype de la «Suissitude», «très fier d’être suisse» selon ses propres mots, «patriote à 150%» selon un de ses proches.
1. Il est chez lui sur tout le territoire
Il paraît que pour un enfant, tout se joue entre zéro et six ans. Entre zéro et dix-sept ans, ça marche aussi? «Je suis né là-bas, j’ai fait toute ma scolarité là-bas, mon apprentissage du tennis aussi», expliquait-il lors du tournoi de Bercy. Né à Münchenstein, autant dire à Bâle, il appartient à la majorité alémanique de la Suisse, celle dont dépend le pouls du pays. Mais il possède un ancrage sur l’ensemble du territoire de ce pays complexe et décentralisé.
Son père Robert est originaire de Berneck, près de la frontière autrichienne. A l’adolescence, Roger a travaillé son tennis à Ecublens, non loin de Lausanne, dans la partie francophone du pays. Plus tard, il s’installa à Bienne pour quatre ans. Et il a déménagé récemment à Wollerau, non loin de Zurich, dans le berceau de la Suisse historique, où la fiscalité est plus douce pour les fortunes nationales.
«Il est beaucoup plus suisse que la majorité des gens le pense, confirme René Stauffer, le biographe du joueur. Il est poli, équilibré, fiable dans le sens où sa parole a de la valeur, discret sur sa vie privée. Il aime tout ce qu’aiment les Suisses: balades, ski… Son goût pour le voyage est très suisse. Il suit les traditions nationales. Il joue au Jass, un jeu de cartes populaire typiquement suisse, même quand il est sur le circuit.»
2. S'il n'avait pas été suisse, il n'aurait pas progressé aussi sereinement
La Suisse est un pays qui entretient un rapport ambivalent avec le sport. La population profite de son cadre de vie exceptionnel pour s’adonner à toutes les disciplines au grand air, mais surtout le dimanche, sans culture de la compétition très développée. «Nous, les Suisses, nous sommes trop gentils, déplore Yves Allégro, ex-partenaire de Federer et actuellement chef de la relève à l’association de tennis suisse. L’éducation des jeunes est excellente mais elle ne forme pas pour s’imposer à l’autre.»
En dehors du ski, où il existe une culture du professionnalisme absolu, les futures stars du sport sont priées de tracer leur route toutes seules. «Roger a grandi dans un environnement sain, affirme Marc Rosset, champion olympique en simple en 1992 à Barcelone. S’il avait été français, une chaine de télé l’aurait suivi 365 jours par an dès son plus jeune âge. Vous auriez inventé Federer TV! Aujourd’hui, il ne pourrait pas manger au restaurant sans que ce soit une émeute. Avoir pu se construire dans le calme a été, pour lui, appréciable et très important.» Federer TV, on n’y croit pas. La une de Tennis Magazine, comme Gasquet à neuf ans, c’est bien possible.
3. Il est à la recherche de la perfection
La biographie de Roger Federer s’intitule Quest for perfection. Elle colle assez bien à l’image qui restera de son jeu gracieux et de l’économie de moyens qui caractérise son ballet tennistique. Elle colle surtout à la démarche consciente du joueur.
«Je ne vois pas pourquoi quelqu’un ne serait pas un jour capable de pratiquer un tennis parfait.» Cette phrase a été prononcée par Federer à l’âge de seize ans, quand son manque de maîtrise émotionnelle le conduisait encore à fracasser des raquettes s’il n’avait pas joué le coup idéal, loin du flegme suisse qui le caractérise aujourd’hui.
David Talerman est un expert en relations franco-culturelles suisse. Il explique:
«Dites à un Français que 98% d’un problème est réglé, il dira que c’est génial. Dites-le à un Suisse et il sera angoissé par les 2% restants. La notion de qualité et de perfection n’est jamais loin dans la conception d’un Suisse.»
«Le bonhomme est un perfectionniste, pas de doute, confirme Yves Allegro. Il a mis du temps à comprendre qu’il fallait accepter les erreurs, mais il l’a fait. Il ne laisse plus rien au hasard. Tous les détails l’intéressent.»
4. Il affiche en toute circonstance de l'hu-mi-li-té
Roger Federer a évidemment parfaitement conscience de sa valeur, sur et en dehors des courts. S’il sut parfois l’affirmer («Personne n’a d’ascendant sur moi», a-t-il dit, tant que Rafael Nadal n’était pas encore un crack confirmé), il manifeste, l’écrasante majorité du temps, une volonté très suisse de se fondre dans le décor. «Le fédéralisme suisse porte en lui le postulat suivant: "Nous sommes tous égaux, nous avons tous la même position dans la société", développe David Talerman. "Ce n’est pas parce que j’ai tel ou tel titre que je suis supérieur aux autres". Les Suisses n’aiment pas ce qui dépasse, ils le coupent systématiquement.»
Toutes les apparitions publiques de l’ex-numéro un mondial sont indexées sur cette obligation d’humilité. Sa façon de saluer le public après les victoires ne sert aucun égocentrisme, mais engage un renvoi d’ascenseur vers la foule. C’est Federer qui dit merci. C’est Federer qui implore un peu de retenue.
L’intéressé commente en des termes désarmants son statut de citoyen suisse le plus connu du monde: «Je suis conscient de n’être qu'un joueur de tennis. Je sais que cela peut créer beaucoup d’émotions, mais il ne faut pas non plus exagérer en disant que je suis beaucoup plus que cela.» Sa fortune a été construite sur un «hobby», a-t-il dit un jour au quotidien Le Matin.
5. En fait, il adore la Coupe Davis
Début 2005, Roger Federer, numéro un mondial, fait savoir qu’il ne disputera pas le premier tour de la Coupe Davis contre les Pays-Bas. Choc. C’est la première fois que le Maître se soustrait à son devoir consistant à porter l’équipe suisse seul à bout de bras.
Entre cette décision et son retour à plein temps en 2014, Federer aura eu une implication en pointillés pour la «Coupe du monde du tennis», telle qu’on sait l’appeler en France (du moins quand les Tricolores vont loin). Il prend quand même soin de faire acte de bravoure quand il s’agit de maintenir le pays dans le groupe mondial (sauf en 2010). Pour le reste, les changements de surface incessants, les voyages exotiques, il évitera, tant que Stan Wawrinka ne s’imposera pas comme un partenaire capable de l’aider à ramener le Saladier.
«Renoncer à la Coupe Davis n’a pas été une partie de plaisir pour lui, mais il faut comprendre que cela l’a aidé à gagner dix-sept titres du Grand Chelem», confirme Allegro. Rosset: «Tout le monde a l’impression qu’il n’a pas joué souvent en Coupe Davis alors qu’il a le double de matches de Nadal dans la compétition [et même plus, avec 64 matches contre 24, ndlr]» Federer a un autre raison d’adorer la Coupe Davis l’année de ses 33 ans: il ne l’a jamais gagnée, et a parfaitement conscience que l’avoir à son palmarès construirait encore un peu plus sa légende.
6. Être suisse, c'est son image de marque
La fortune de Roger Federer est estimée à 400 millions de dollars par les médias spécialisés. Environ 20% ont été collectés sur le court. Le reste provient majoritairement des sponsors qui cherchent à capter une partie de sa lumière. C’est-à-dire sa «suissitude».
En dehors de ses équipementiers américains (Nike, Wilson), Federer a essentiellement contracté avec des firmes helvétiques soucieuses de communiquer sur son image de Suisse parfait. Cinq sponsors sur ses sept autres ont la même nationalité que lui (Rolex, Jura, Lindt, Crédit suisse, Nationale suisse). «Sa modestie, son respect, son assurance, son self-contrôle, sa sérénité, sa fiabilité, la recherche de précision –pour ne pas dire de perfection– sont très appréciées des Suisses, abonde Jean-Claude Darbellay au nom du Crédit suisse. C’est en quelque sorte, une star anti-star qui correspond bien à un certain esprit suisse.» Dans leur longue histoire, Lindt et le Crédit suisse ne s’étaient jamais associés à un individu. Ils envisagent aujourd’hui de continuer avec Federer au-delà de sa carrière.
7. Il retourne en Suisse dès que possible et il y restera
Consulter les photos du compte Twitter de Roger Federer revient à suivre le rythme de ses retours fréquents au pays entre deux séjours dans les grandes capitales.
Federer, qui a dépassé la trentaine il y a trois ans, construit des programmes individuels très raisonnables: 19 tournois en 2014, 17 en 2013, 19 en 2012, tours de Coupe Davis inclus. Ils lui laissent l’occasion de revenir assez souvent se ressourcer en Suisse.
En dehors du mois de décembre, qu’il passe à Dubaï ou en promotion, «Rodgeur» n’a qu’une seule et unique destination lorsqu’il lui reste du temps: sa terre natale. «Il a toujours dit qu’il reviendrait en Suisse après sa carrière, indique Allegro. Il aime être en Suisse car cela reste, même aujourd’hui, un endroit où il peut vivre normalement. On le reconnaît dans la rue mais il peut faire ses courses et un restaurant en famille sans garde du corps, toute star planétaire qu’il soit.» «La Suisse est un pays où les gens ne se prennent pas le chou, et où cela aide à vivre avec sa notoriété», ajoute Rosset.
8. Il pratique lui aussi le «multiculturalisme assumé»
C’est un des paradoxes de notre sujet: avoir la vie d’un citoyen du monde, comme Federer, est une sorte de seconde nature pour les Suisses. «En Suisse, ce qui fait la différence dans la sensibilité des gens, c’est moins de savoir s’ils sont alémaniques ou romands, c’est de savoir s’ils viennent de la ville ou de la campagne, explique David Talerman. Il y a beaucoup de conservatisme à la campagne. Mais les gens des villes, comme Federer, sont de grands voyageurs.» Federer ressemble aux 800.000 Suisses exilés à l’étranger –dont il ne fait pas partie au regard de sa domiciliation– mais qui incarnent «la Suisse moderne, celle qui s’ouvre beaucoup depuis cinq ou six ans, voire la Suisse de demain».
«Federer a pris le meilleur de la culture suisse et le meilleur des cultures auxquelles il a été confronté pour se construire, explique Talerman. C’est très suisse de pratiquer le multiculturalisme de façon spontanée. Il est l’archétype d’un pays qui est à la fois ouvert sur le monde et qui surprotège sa culture de façon radicale.» Il va la protéger raquette en main, dans 48 heures, sur la terre de France.
Cédric Rouquette