Une nouvelle théorie suggère que le Big-Bang n'aurait pas créé un seul univers (le notre), mais deux univers, évoluant parallèlement : alors que notre univers avancerait dans le temps, ce deuxième univers... reculerait dans le temps.
Des physiciens ont réalisé une expérience qui suggère l'idée pour le moins fascinante que le Big Bang aurait créé deux univers parallèles, au lieu d'un seul : l'un de ces deux univers avancerait dans le temps (c'est notre univers), tandis que l'autre… reculerait dans le temps.
Or cette hypothèse, pour l'instant évidemment bien difficile à démontrer, intéresse au plus haut point les physiciens. En effet, elle les aiderait à résoudre une énigme majeure de la physique moderne : pourquoi le temps ne va-t-il que dans un seul sens ?
De fait, toutes les lois fondamentales de la physique, telles que la relativité restreinte et générale d'Einstein, fonctionnent tout aussi bien si le temps s'écoule avant... ou en arrière. Et d'ailleurs, les modèles physiques créés par les physiciens pour simuler de façon simplifiée le fonctionnement de notre univers ne nécessitent généralement pas qu'une direction préférentielle soit affectée à l'écoulement du temps (sauf si des conditions initiales spécifiques doivent être fixées).
Mais alors, pourquoi notre univers se déplace-t-il vers l'avant dans le temps ? Pourquoi les étoiles émettent de la lumière plutôt que d'attirer cette lumière à elles ? Pourquoi encore nous souvenons-nous du passé, plutôt que de l'avenir ?
A l'heure actuelle, pour expliquer l'aspect directionnel de la fléche du temps qui caractérise notre univers, les physiciens font principalement appel à l'idée que la direction de la flèche du temps est contrôlée par les lois de la thermodynamique, et plus particulièrement par l'entropie.
L'entropie ? Il s'agit d'une mesure du niveau de désordre dans un système : un système à faible entropie est sera un système extrêmement organisé et prévisible, alors qu'un système à haute entropie sera beaucoup moins prévisible.
Or, les lois de la thermodynamique stipulent que l'entropie d'un système isolé, comme notre Univers par exemple, ne peut que croître. En d'autres termes, notre univers ne peut pas passer d'un état de forte entropie à un état de plus faible entropie. Dit autrement, cela signifie que notre univers se dirige inéluctablement vers un état de désordre toujours plus important, et cela de façon totalement irréversible.
La plupart des physiciens acceptent généralement l'idée que l'entropie explique pourquoi la fléche du temps est dirigée dans un seul sens, et donc pourquoi le temps avance. En gros, la vision de la majorité des physiciens consiste à poser qu'à la naissance de notre Univers, tout était très ordonné : de ce fait, le sens du temps est le même que le sens d'une entropie croissante (c'est à dire d'un niveau de désordre croissant).
Mais pour que cette vision soit valide, encore faudrait-il prouver que des conditions de faible entropie étaient réellement présentes au début de l'Univers. Or, il s'agit précisément de quelque chose que les physiciens ne savent actuellement pas montrer...
Face à ce mur théorique, de nouvelles théories émergent, suggèrant que l'entropie n'est peut-être pas la seule façon d'expliquer pourquoi le temps ne s'écoule que dans un seul sens.
Parmi ces théories, on trouve les travaux de Julian Barbour (Université d'Oxford, Royaume-Uni) et de son équipe, récemment publiés dans la prestigieuse revue Physical Review Letters, et qui suggèrent que la direction de la flèche du temps ne serait en réalité par contrôlée par la thermodynamique, mais par la gravité.
Que dit le modèle de Julian Barbour et de ses collègues ? Il avance qu'il n'est pas besoin de postuler que l'Univers était à ses début un système à faible entropie pour expliquer le fait que le temps ne s'écoule que dans un seul sens : selon ces chercheurs, l'écoulement du temps ne serait que le résultat inévitable... de la gravité.
Pour parvenir à cette conclusion, Julian Barbour et ses collègues ont étudié un modèle physique très simple, simulant notre univers, et composé uniquement de 1000 particules. Via des simulations informatiques, ils ont analysé comment ces particules interagissent uniquement sous l'influence des lois de la gravité.
Résultat : Julian Barbour et ses collègues ont découvert que, quelque soit le niveau initial de désordre (faible ou élevé), les particules finissaient de toute façon toutes par se retrouver serrées les unes contre les autres, et cela donc sous le seul effet des lois de la gravité.
Sur la base de ce résultat, Julian Barbour et ses collègues ont émis l'hypothèse selon laquelle il n'est pas nécessaire de convoquer des conditions de faible entropie pour que la flèche du temps se dirige dans un seul sens : les lois de la gravité suffisent pour cela.
Mais ce n'est pas tout. Car lors de ces simulations, un phénomène étrange s'est produit : après cet état très condensé où les particules étaient serrées les unes contre les autres, le système s'est élargi vers l'extérieur... dans deux directions différentes, chacune des deux parties ayant sa propre flèche du temps, dont la direction était symétriquement opposée à celle de l'autre partie. En d'autres termes, un système où le temps pouvait aller dans les deux sens, du passé vers l'avenir, et de l'avenir vers le passé.
De ce constat, les auteurs de ces travaux en ont tiré cette deuxième hypothèse, selon laquelle deux univers auraient été créés lors du Big Bang, chacun dotés d'une flèche du temps pointant dans une direction opposée à l'autre. En d'autres termes, ce que nous pensons comme notre passé serait en réalité l'avenir de cet autre univers. Et de la même manière, en imaginant que des êtres intelligents habitent dans cet autre univers et qu'ils prennent conscience de l'existence de ces deux univers aux flèches du temps opposées, ils réaliseraient alors que ce qui se dessine comme notre avenir n'est en fait que leur lointain passé...
Evidemment, cette hypothèse est actuellement totalement indémontrable. Mais en attendant, elle ouvre le débat sur le rôle de la gravité dans la direction de la flèche du temps. Avec peut-être à la clé, d'ici quelques années, la possibilité de produire des prédictions issues de cette hypothèse, et testables expérimentalement.
Julian Barbour
Physical Review Letters