Jennifer Lawrence dans la saga «HungerGames»: mademoiselle tire à l’arc et, depuis trois films, touche son public cible en plein cœur. © DR
La nouvelle aventure de Jennifer Lawrence au cœur d’un futur totalitaire attire partout de grandes foules. Les jeunes en redemandent et en discutent, la preuve…
Dans ce repas qui réunit dix personnes, l’autre soir, il est question soudain de cinéma. C’est là que je réalise qu’il y a, autour de la table, deux jeunes: Pablo, 17 ans, et moi. Ah, ben si! Pablo et moi étions les seuls de la bande à avoir vu les films de la saga «Hunger Games».
Hunger quoi? «Hunger Games - La révolte: partie 1», de Francis Lawrence, troisième volet de l’histoire: visible en ce moment en salles, c’est le film de l’année au box-office planétaire. Celui qui a déjà attiré plus de 220'000 spectateurs en Suisse et que des millions de milliards de gens verront à travers le monde. Mais allez en causer à un vieux!
Evoquer «Hunger Games» devant des plus de trente ans, en général, ça revient à parler chinois. A croire qu’aucun adulte n’est allé à Panem, n’a jamais visité ce futur totalitaire où la peur, la famine et l’humiliation sont reines, où la télé-réalité recycle les jeux du cirque de la Rome antique et où la jeune Jennifer Lawrence sonne la révolte des opprimés contre l’oppresseur.
Ce qu’on a donc fait au dessert, c’est en parler entre jeunes. Dis-moi Pablo, à part Jennifer Lawrence, qu’est-ce qui te plaît dans «Hunger Games»?
Boh, elle, je m’en fous. Attends, Pablo: ce n’est pas le genre d’actrice qu’on confondra plus tard avec une autre et elle est franchement mignonne, non? Ouais, si tu veux, mais c’est pas pour ça que ces films me plaisent…
C’est pourquoi? «Hunger Games» montre que le pire est peut-être devant nous, alors qu’on l’imagine toujours derrière. Le monde a connu déjà un tas d’horreurs, mais possible qu’on n’ait encore rien vu. J’aime bien cette idée parce qu’elle fait un peu flipper. Mais toi, là-dedans, qu’est-ce tu aimes?
Eh bien ce que je trouve amusant, Pablo, c’est la caricature que ces films font de la société occidentale actuelle. Tu déconnes? Non, Pablo, je pense que cette dictature du futur ressemble à notre monde. Comme lui, la tyrannie de Panem étend son pouvoir grâce aux nouvelles technologies. Celles-ci permettent à Panem de donner une image volatile, légère, fluide, lisse et sans anicroche de son monde de riches.
L’ennui pour ce régime est que son ivresse du virtuel lui tourne la tête. Et que la réalité se venge peu à peu de toute cette virtualité, tu me suis Pablo?
Euh… pas vraiment. Bon, écoute: Panem maintient sa dictature en organisant des déluges d’artifices, de propagande, de télé-réalité et de rabâchages destinés à laver les cerveaux, d’accord? Le problème, Pablo, c’est que le monde ne peut pas être constitué uniquement d’images et de signes. A côté de ça, il y a plus lourd et plus important. Il y a les choses, les êtres, les corps, les peuples, les animaux, les mers, les montagnes…
Télécharger un steak frites
Ce que dit «Hunger Games», Pablo, c’est ça: une société qui ne croit qu’au virtuel, comme la nôtre, vit dangereusement pour la simple et bonne raison qu’on ne peut pas télécharger un steak frites. On peut bricoler une image en 3D, multiplier les effets spéciaux sur un écran, mais on ne peut numériser l’eau ou aller au boulot le matin en chevauchant son ordinateur. Tu me suis, là?
Aucun régime, si puissant soit-il, ne réussira à remplacer durablement l’humain par l’inhumain et la réalité par le virtuel. C’est ce que je te disais: les réalités sont plus fortes que tout et se vengent des fantasmagories. Ben dis donc, y’a tout ça dans «Hunger Games»?
Bah! c’est ce que je crois avoir vu. Et ce qui m’épate, Pablo, ce sont tous les jeunes de ton âge qui suivent la saga. Je suppose que pour vous, la génération SMS et selfie, «Hunger Games» est une bonne piqûre de rappel. Ça vous dit que la vie ne se passe pas dans votre portable, et que le monde est bien plus vaste que votre messagerie.
Cette façon de voir l’avenir, quand même, ça fait peur. Oh tu sais Pablo, ficher la trouille est le but du cinéma d’anticipation. Mais les films se trompent, hein? Mmmh, pas tant que ça: les classiques du genre, comme «Soleil vert» (Richard Fleischer, 1973), ont prédit des fléaux qui ont fini par arriver. Ah ouais? Oui Pablo, l’avenir donne souvent raison aux films d’anticipation, du moins un petit peu ou sur tel point.
Sérieux? Oui Pablo, je pourrais te citer plein d’exemples. Mais, au lieu de faire cette tête, fais plutôt comme moi: reprends un peu de ce dessert…
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Pascal Bertschy