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lundi 30 mars 2015

Deux personnes dans le cockpit: «Une parade pour rassurer l'opinion publique»


Après le crash de l'A320, Erick Derivry, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) revient sur les nouvelles recommandations pour la sécurisation des cockpits et sur les manquements du BEA contre lequel il porte plainte.

Erick Derivry


Que pensez-vous de la recommandation de l'agence européenne de la sécurité aérienne d'instituer la présence permanente de deux personnes «autorisées» dans le cockpit?

Erick DERIVRY C'est une mesure autocratique prise dans l'urgence, une parade pour rassurer l'opinion plus qu'une mesure qui a du sens. Elle répond à une inquiétude légitime, à une menace, mais est-elle un bon choix? Hormis un troisième pilote à bord pour venir remplacer l'un des deux dans le cockpit le temps de son absence, qu'est-ce qu'une hôtesse ou un steward pourrait faire dans de telles circonstances, sans compétences techniques, face à un comportement déviant? Cette mesure pose des tas de questions, notamment d'un point de vue opérationnel. Je sais bien que nous sommes en plein milieu de l'émotion, mais est-il raisonnable d'édicter un protocole général à partir d'un accident particulièrement singulier et de manière si prématurée puisque l'enquête n'est pas terminée? Certes ce n'est qu'une recommandation, qui ne vaut donc pas obligation, mais c'est tout comme car elle émane d'une instance officielle. Que feraient les compagnies demain si elles ne l'avaient pas suivie et qu'il se reproduisait un tel accident?

Faut-il revenir sur cette sécurisation de la porte du cockpit?

C'est une mesure décidée et imposée après les attentats du 11 septembre 2001 par les Américains et pour laquelle nous avions déjà à l'époque soulevé le problème. Aujourd'hui on voit que, si elle résout les éventuelles tentatives d'intrusion, elle n'a pas anticipé toutes les problématiques de sûreté, qu'elle induit une nouvelle menace. Il faut donc réfléchir à une nouvelle sécurisation. Ce problème a été réglé sur certains appareils comme certains 747 ou A 380 où la zone des commodités est dans la zone sécurisée, le pilote n'a donc pas à sortir.

Pourquoi déposer plainte, mardi, contre le BEA?

Les fuites dans la presse, d'abord dans le New York Times puis dans le Bild, sont totalement inacceptables. Le BEA orchestre une conférence de presse le mercredi après-midi pour dire sa réserve sur la lisibilité du contenu des enregistrements de la boîte noire, lequel est diffusé durant la nuit par les journalistes américains. Et dimanche matin, le Bild diffuse la transcription du «Voice recorder». Un vrai foutage de gueule. Pour nous, il y a «violation du secret professionnel». Ces informations sont exclusivement vouées aux enquêtes et ne peuvent en aucun cas fuiter pour se retrouver sur la place publique, avant même l'information aux familles. Les pilotes ont accepté d'être enregistré sur leur lieu de travail car ils en savent l'utilité en cas d'accident mais à la condition exclusive de la confidentialité, pour l'enquête et les familles.

Le SNPL réclame aussi de véritables changements au sein du BEA, pourquoi?

Nous voulons une réforme. Certes le BEA a une forte expertise technique, mais on se retrouve à chaque fois avec les mêmes problèmes en cas d'accident: la guéguerre légendaire entre l'enquête technique du BEA et l'enquête judiciaire. Et surtout le manque criant d'indépendance du BEA dont les membres sont nommés par le gouvernement. Aucun expert indépendant ne peut être recruté à l'extérieur. Sans compter que le BEA ne compte aucun pilote en exercice. Est-ce concevable ça?

L'acte d'Andreas Lubitz remet en cause le suivi psychologique des pilotes…

À nouveau, cet accident va remettre en jeu la confiance et la surveillance des pilotes. Pourtant, contrairement à ce qui est dit, les examens pour les aptitudes physiques et mentales sont plus fréquents qu'une fois l'an. Après l'étape du recrutement avec ses entretiens psychologiques et psychotechniques, l'examen annuel des pilotes (tous les six mois pour la tranche 60-65 ans) dans une antenne d'expertise médicale habilitée, une visite annuelle à la médecine du travail, il y a aussi cinq autres occasions dans l'année qui permettent d'évaluer les aptitudes: cinq contrôles, dont quatre se font sur simulateur et un en vol. 

Hors l'aspect des acquis techniques, ces contrôles mettent en jeu une grande part psychologique. Les experts décèlent tout dans la gestion des automatismes mais aussi du travail en équipage, de la communication et de la prise de décision. Ce sont des moments de vérité, des occasions de percevoir des signaux psychologiquement douteux. Les comportements à problème se voient là comme le nez au milieu de la figure.

Sauf les tendances suicidaires au vu des circonstances…

Les experts de ces problèmes le disent eux-mêmes: il est extrêmement difficile, hors examen long, continu et intrusif, de déterminer une tendance suicidaire. Sans compter qu'on ne peut jauger l'état psychologique de quelqu'un que sur du déclaratif, d'après ce qu'il voudra bien dire. Et si, en dehors des contrôles du milieu professionnel, un médecin de ville décèle ces troubles, cela remet en lumière la levée du secret médical des pilotes. Mais là aussi, est-ce raisonnable de poser une telle question face à un cas si singulier?

Delphine de Mallevoüe