Emmanuel Crausaz quitte le comité de pilotage à 15 mois de la Fête fédérale d'Estavayer 2016. Le Broyard avait mouillé sa chemise durant la candidature.
Emmanuel Crausaz a rendu son tablier de vice-président du comité de pilotage d’Estavayer2016.
© Alain Wicht/La Liberté
Emmanuel Crausaz a rendu son tablier de vice-président du comité de pilotage d’Estavayer2016. Il s’agit du premier coup de tonnerre dans le ciel bleu de l’organisation de la prochaine Fête fédérale de lutte suisse, ceci à un peu plus de 15 mois de son déroulement. L’ancien lutteur avait été l’un des instigateurs de la candidature broyarde. Il avait mouillé sa chemise durant l’intégralité du processus ayant abouti par le vote décisif du 4 mars 2012 et l’attribution de l’événement le plus populaire de Suisse aux prétendants fribourgeois.
«Il avait le cœur lourd»
Il avait ensuite logiquement fait partie du comité de pilotage, dont il était l’un des quatre vice-présidents, le plus emblématique avec Gaby Yerly. «Manu» Crausaz reste président de l’association de soutien Estavayer2016 et président de l’association fribourgeoise. Il le précise, tout en préférant ne rien ajouter à la version officielle.
«Nous avons enregistré une démission, celle d’Emmanuel Crausaz, l’un des vice-présidents», confirme le président du comité d’organisation Albert Bachmann. «Il m’a apporté une lettre lundi. Il évoquait une surcharge de travail. Il avait le cœur lourd.» L’ancien syndic d’Estavayer a été le premier à répondre à nos sollicitations. «Manu expliquait encore dans sa lettre vouloir se consacrer à 100% au domaine sportif par rapport à la Fête fédérale. Il est en effet président des jurys et il cumule encore la présidence cantonale et celle de l’association de soutien.»
Les organisateurs d’Estavayer2016 ont rencontré mardi le comité central des lutteurs suisses à Wangen an der Aare afin de faire le point sur l’avancement des travaux. Assistant de la directrice Isabelle Emmenegger du rendez-vous broyard et administrateur de l’association faîtière, Rolf Gasser a informé lui-même les membres du comité national de la situation. «J’ai eu une discussion avec Paul Vogel («Obmann» des lutteurs suisses, soit président, n.d.l.r.) avant la séance», dit Gaby Yerly qui était l’égal de Crausaz. «Ce genre de situation est également arrivé avant la Fédérale de Berthoud (2013). Paul Vogel a rappelé qu’une telle décision était moins dommageable plus d’une année avant l’événement. Manu avait beaucoup de mandats et je lui souhaite de se concentrer sur l’important.
Est-ce que nous nous y attendions? C’est difficile à dire. Manu s’est rendu compte que ses différentes responsabilités lui pesaient. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un coup dur. Il est essentiel de continuer à remplir nos fonctions. Nous devons continuellement nous réajuster. Le comité de pilotage fonctionne comme un conseil d’administration. Et Manu (Crausaz) a besoin de beaucoup d’énergie pour remplir sa fonction de président cantonal. En plus, il est très actif professionnellement.»
Un sujet tabou?
Emmanuel Crausaz n’a rien à dire en l’état. On le connaît contestataire, souvent à chercher la petite bête ou à lancer la discussion. Son attitude, loin d’être celle adoptée par les politiciens, aurait causé sa «perte». Les divergences d’opinion n’étaient pas rares. «Je ne suis pas plus surpris que ça par cette démission», a dit ce lutteur dirigeant, avant de poursuivre: «Il n’est pas rare que des personnes se fassent remplacer dans des organisations de telle ampleur.
Cela reste un coup dur. Mais la Fédérale de 2016 aura quand même lieu et Manu va poursuivre son activité à la tête de l’association cantonale qui, elle, vivra au-delà de 2016! Il reste regrettable que des personnes quittent le navire en cours de route.» Le sujet semble tabou chez les lutteurs contactés.
Rien ne semblait perturber la mise en place de la Fête fédérale de 2016, jusque-là. «Le paradis rose n’existe pas», dit Gaby Yerly. Et le Gruérien d’ajou- ter prestement: «Je peux certifier une chose: toutes les décisions prises par le comité de pilotage l’ont été à l’unanimité. A chaque présentation de dossier, chacun de nous a pu s’exprimer ou poser ses questions.»
«Je peux affirmer qu’il n’y a aucune guerre intestine à l’intérieur du comité d’organisation d’Estavayer2016», conclut pour sa part le responsable de communication Martial Messeiller.
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Remplacé ou pas ?
Emmanuel Crausaz doit-il être remplacé au sein du comité de pilotage? «La question se pose», dit Gaby Yerly. «Nous venons de l’apprendre. Nous allons réfléchir. Nous avons un comité en juin.» Pour le président Bachmann, il n’y a rien d’urgent: «Nous avons pris acte de cette démission. Une telle situation est déjà survenue dans d’autres comités, dans des conseils communaux ou des exécutifs. Nous regrettons le départ d’Emmanuel Crausaz. Nous sommes unanimes sur ce point. A plus d’un an de la Fête fédérale, ce n’est pas un coup dur», assure-t-il.
«Nous préférons que cela arrive maintenant. Nous allons nous réorganiser. D’ailleurs, cela ne change rien foncièrement, si ce n’est qu’il y a une personne de moins. C’est mieux aujourd’hui que trois mois avant la fête. Nous pouvons nous retourner. Nous sommes toujours dans les temps au niveau de l’avancée des travaux.»
Gaby Yerly souligne: «Selon nos discussions de ce jour (mardi, n.d.l.r.) avec le comité central, rien n’a affecté l’avancement des travaux. «Il y a peut-être d’autres personnes qui vont s’en aller… Pour l’instant, ce n’est pas une personne responsable de toute la sécurité ou d’un autre dicastère. Manu avait un rôle stratégique. Cela serait plus lourd s’il s’agissait d’opérationnel.»
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Ce départ, un regret
Manu Crausaz, le lutteur, a lâché son poste. Surprenant. Décevant. Le Broyard avait ce rendez-vous d’Estavayer2016 dans la peau. Il l’a toujours, comme tant d’autres dans le canton de Fribourg et ailleurs. Aujourd’hui, l’ancien lutteur doit sans doute verser quelques larmes parce que ce n’est pas ce qu’il voulait.
Manu Crausaz fait partie de ces gars foncièrement honnêtes et fonceurs. Un de ceux qui rafraîchissent les esprits parce qu’il ne parle pas politiquement correct. Son discours est franc, à l’inverse de ceux des footballeurs professionnels ou des hockeyeurs de l’élite qui respectent leurs contrats. Ils sont légion, les lutteurs qui parlent sincèrement. Las pour eux, l’organisation d’un événement aussi énorme que la Fête fédérale ne laisse pas place à ce genre d’attitude naturelle. Dommage.
Estavayer2016 sera formaté, bien pensé, propre en ordre. Sans originalité? Sans la moindre ouverture sur les habitudes des fêtards fribourgeois? A voir. En attendant, tout le monde regrette le départ d’Emmanuel Crausaz qui avait voulu cet événement dans la Broye et qui avait sans doute la liberté d’esprit pour en faire une fête inoubliable pour toute une population.
Patricia Morand