Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

samedi 20 juin 2015

Entre Genève et Fribourg: une combourgeoisie brisée



Avant d’être compatriotes, nous fûmes combourgeois : nous nous accordions réciproquement des privilèges: droit de cité, protection militaire et judiciaire, accès au marché. Nous étions très importants l’un pour l’autre. Nous le fûmes quinze ans, de 1519 à 1534.

Genève, en ce temps-là, était la proie d’une crise intérieure. La Savoie, affaiblie par les guerres de Bourgogne, cherchait à en prendre le contrôle. Elle avait assuré un siècle de paix et de prospérité à la ville mais souhaitait maintenant en faire sa capitale. Les Genevois étaient divisés quant à l’attitude à adopter.

En 1506, le duc Charles III avait demandé à Genève ses canons, pour les employer contre les Valaisans. Quelques citoyens s’y étaient opposés, parmi lesquels Pierre Levrier et Philibert Berthelier. Le duc les avait menacé de mort. Ils s’étaient réfugiés à Fribourg, qui leur avait octroyé la bourgeoisie, moyennant un florin d’or annuel. «C’est ainsi, dit la chronique fribourgeoise, que commença à se former, par ce noyau d’hommes proscrits, la résistance concertée, soutenue et digne, qui fit avorter tous les projets de la Savoie sur leur patrie.» Munis de la bourgeoisie fribourgeoise, ils étaient rentrés à Genève, où Levrier avait été aussitôt arrêté. Fribourg avait protesté et obtenu la libération de «son» combourgeois.

L’intérêt de Fribourg pour les patriotes genevois tenait au commerce qu’elle entretenait avec les négociants de la place, hostiles pour beaucoup aux menées de la Savoie, dont elle s’était elle-même affranchie. Aussi suivait-elle de près les événements.

Elle accueillit à nouveau Berthelier en 1517. Il s’était enfui avec l’aide d’un groupe de marchands fribourgeois, après avoir porté secours au citoyen Pécolat, injustement torturé dans une inique affaire de complot contre l’évêque. Logé et soigné à l’hôpital de Fribourg, il convainquit l’hospitalier, Frédérique Marty, des avantages que les deux villes retireraient d’une alliance de combourgeoisie, notamment par la suppression des péages. L’offre devint rapidement l’objet de discussions publiques à Fribourg, où l’unanimité fut bientôt faite en faveur du projet.

Marty vint en ambassadeur à Genève défendre la cause de Berthelier. Il proféra quelques menaces polies. On le remercia, on lui envoya de la malvoisie, mais on ne lui donna pas de réponse. On arrêta de nouveau Pécolat, qui se tailla la langue pour ne pas avoir à dire des mensonges sous la torture, on coupa en morceaux quelques autres citoyens accusés d’avoir cherché à empoisonner l’évêque. Une centaine de patriotes s’enfuirent à Fribourg, qui les dota à leur tour de la bourgeoisie.

La question de la combourgeoisie vint concrètement sur le tapis. Fribourg en accepta officiellement le principe pour autant qu’une majorité de Genevois l’approuvent. Une tumultueuse séance du Conseil général, le 22 décembre 1518, se termina par un oui. La guerre civile genevoise entre le parti suisse, les «Eidguenots», et le parti savoyard, les «Mammelus», repartit de plus belle.

Le duc et ses gens tentèrent de bloquer la ratification de l’alliance, achetant l’opposition des notables bernois, dénonçant partout son illégalité. En vain. Le conseil général la contresigna en février 1519.

Fribourg resta ferme aux côtés des patriotes genevois, malgré la mauvaise humeur de Berne, de Zurich et de la Diète suisse. Elle ne réussit pas à empêcher l’invasion de Genève par l’armée ducale, ni la réunion sous la terreur d’un nouveau conseil général qui dénonça l’alliance. Berthelier fut arrêté et pendu, au grand scandale des Fribourgeois.

Ce n’est qu’en 1526, le duc éloigné de Genève par ses affaires héréditaires avec la France, et le nouvel évêque affaibli, que la combourgeoisie de Genève et de Fribourg entra dans les faits, additionnée de celle de Berne, qui avait changé de camp.

Fribourg se maintint fidèlement aux côtés de Genève pendant les neuf ans de conflit civil et militaire qui aboutirent à l’échec définitif du parti savoyard, avec la Réforme. Sur la messe, cependant, leur amitié se rompit durablement. Suprême insulte de l’histoire, à la fin de la guerre du Sonderbund, en 1847, ce fut un Genevois, le général Dufour, qui réclama la capitulation de Fribourg.