Les agriculteurs suisses fondent beaucoup d'espoirs dans l'entrée en vigueur de Swissness au début de l'année. Cette législation devrait renforcer leur position par rapport aux transformateurs et aux distributeurs. A condition de gagner en transparence.
Le Swissness applique désormais aux denrées alimentaires le principe «pas de croix suisse sans matière première suisse». Or trois quarts de la population est disposée à acheter des produits agricoles plus chers si ceux-ci proviennent de Suisse, relève mercredi l'Union suisse des paysans (USP), citant l'Office fédéral de la statistique dans sa traditionnelle conférence de presse de début d'année dans une ferme d'Oberbottigen (BE).
Les consommateurs suisses considèrent en effet les produits helvétiques de meilleure qualité que ceux provenant de l'étranger, en particulier des produits de niche exclusifs. Une qualité due à différentes caractéristiques, telles qu'une plus grande attention au bien-être animal et aux modes de détention respectueux de l'espèce que la production étrangère.
Les règles ont un coût
Les consommateurs tiennent aussi compte du fait que les trajets de transport courts réduisent les atteintes à l'environnement et que l'achat de produits régionaux permet de soutenir les économies régionales. La législation est globalement plus sévère et pointilleuse qu'ailleurs et continuera de se renforcer, notamment les règles de déclaration de provenance des denrées alimentaires. Des spécificités qui ont un coût.
Et même si les consommateurs sont prêts à payer plus chers les produits de qualité suisse, on ne peut pas pour autant augmenter les prix à l'infini. Leur disposition à payer plus a ses limites, note Jacques Bourgeois, directeur de l'USP dans la version écrite de son allocution.
Restauration à la traîne
Cela d'autant plus qu'il existe un écart entre les déclarations des consommateurs et leur réel comportement d'achat, comme les statistiques de vente de viande labellisée permettent de le vérifier dans une certaine mesure. Or actuellement, elles indiquent que les ventes de produits labellisés stagnent, affirme Martin Rufer, responsable production, marché et écologie à l'USP.
Ce dernier montre en particulier du doigt les professionnels de la restauration. Tandis que, dans le commerce de détail, le pourcentage de viande labellisée est déjà relativement élevé, on n'a pas encore réussi à solidement établir les labels dans la restauration.
Profiter de la transition
Autre bémol, l'économie agro-alimentaire peine elle aussi à mettre en oeuvre la nouvelle législation Swissness. Pour des raisons pragmatiques, des dérogations ont été octroyées. Les exceptions concernent des matières premières temporairement indisponibles ou présentant des caractéristiques techniques particulières. Elles sont limitées à deux ans, indique Markus Ritter, président de l'USP.
Selon le conseiller national (PDC/SG), l'agriculture doit profiter du temps à disposition pour lancer la production indigène des matières concernées. C'est l'occasion d'augmenter les ventes, notamment des produits dont les parts de marché disposent encore d'un potentiel de croissance.
Transparence
Les paysans peuvent compter sur la commercialisation directe, via les marchés qui ont le vent en poupe dans les villes. Mais ils doivent admettre la plupart des produits agricoles sont vendus par les grands distributeurs en Suisse, relève Markus Ritter.
Ce dernier constate en outre que, lorsque producteurs, transformateurs et commerçants collaborent bien, ils peuvent créer une plus forte valeur ajoutée pour tous les partenaires du secteur agroalimentaire. A condition toutefois de veiller à sa juste répartition, aussi aux paysans.
La transparence sur les marchés et la répartition correcte des risques sont dès lors essentielles pour que l'agriculture touche la part qui lui est due sur le prix à la consommation. Une collaboration équitable au sein de la chaîne de création de valeur et des prix à la production adaptés sont cruciaux pour garantir le succès à long terme, déclare encore le président de l'USP.
ATS