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samedi 18 février 2017

Crise laitière à Fribourg


Selon le syndicat paysan Uniterre, 
la motion initialement formulée apportait une sécurité aux paysans face à l’industrie laitière.



Une initiative censée protéger les producteurs de lait se fait taillader, fragilisant encore le marché du lait en Suisse. Une situation «aberrante» pour les défenseurs des paysans.

L’incompréhension règne sur le marché du lait. La semaine passée, contre toute attente, une initiative cantonale fribourgeoise sur la gestion des volumes de production laitière a été modifiée. Alors qu’elle demandait aux autorités fédérales d’imposer davantage de stabilité dans les prix, les quantités de lait produit et sa répartition dans les segments, elle s’est vue brutalement raboter en commission – illustrant les difficultés grandissantes rencontrées par les paysans dans le pays.

Déposée en avril 2016 par le député UDC Jean Bertschi, cette initiative avait pourtant reçu le soutien des autorités fribourgeoises. Le Conseil d’Etat avait reconnu la gravité de la situation et la nécessité de dispositions contraignantes, affirmant que «pour tenir compte des fluctuations du marché, les engagements devraient porter sur au moins douze mois pour les quantités et au moins six mois pour les prix». Or la commission en charge du projet, pourtant constituée d’une majorité d’agriculteurs, a coupé les durées demandées en deux. Soit six mois pour les quantités et trois pour les prix. Un amendement auquel le Conseil d’Etat et le Grand Conseil se sont ralliés le 9 février dernier.

Stupeur et retournement surprise

Pour le député socialiste Nicolas Repond, qui faisait également partie de la commission, la surprise était totale: «Dès le début, un député a fait cette proposition et les autres membres de la commission l’ont acceptée sans sourciller. A part moi-même et le camp de gauche, personne ne s’est battu en plénum pour préserver la motion initiale.»

La députée verte Sylvie Bonvin-Sansonnens avoue également sa stupeur, y compris face aux arguments invoqués: «C’était aberrant. Le plus étonnant, c’est que les paysans eux-mêmes, membres de la commission et députés au Grand Conseil, ont refusé de demander plus. C’est dommage. L’initiative proposait de la stabilité, et cela sans même parler des prix. Je comprends que les producteurs de lait perdent confiance en ceux qui sont censés les défendre.»

La pression de l’industrie

Selon la section fribourgeoise du syndicat paysan Uniterre, très inquiète, cet événement ne peut être appréhendé sans prendre en compte la pression, proche ou lointaine, de l’industrie laitière. A ce jour, les producteurs de lait sont informés par leurs acheteurs et des quantités de lait qu’ils doivent fournir au mois par mois en fonction des fluctuations du marché.

C’est pourquoi, selon Max Fragnière, président de la section fribourgeoise, «la motion initialement formulée apportait une sécurité aux paysans. Le risque de cette initiative est de mener à un changement négatif de la loi fédérale. On aurait dû demander bien plus, pour espérer au moins un minimum.» Selon le syndicat, cet amendement met en péril un marché déjà extrêmement fragilisé: «Le Conseil d’Etat avait pourtant un message clair, déplore Paul Ecoffey, agriculteur et membre d’Uniterre. Il y a des êtres humains au bout de la corde, des paysans qui n’en peuvent plus, mais personne ne veut intervenir.»

S’il est confirmé que l’Interprofession du lait (qui regroupe les acteurs importants de l’industrie laitière en Suisse) était présente aux discussions de la commission, les députés réfutent en revanche avoir subi une pression de leur part dans leur décision.

Des données irréalistes

Le député PDC, président de la commission et producteur de lait Christian Ducotterd était en faveur de cette modification. Il explique que les durées initialement proposées étaient irréalistes: «On demande ce qu’on a la chance d’obtenir. On n’est pas en mesure de négocier avec les Chambres fédérales: tout ce qu’on peut faire, c’est proposer quelque chose qui tient la route.» Et de rappeler que le point positif de l’initiative était aussi de consacrer la liberté de livrer ou non du lait dans le secteur mondial.

Du côté des acheteurs et transformateurs de lait, on affirme être conscient des difficultés rencontrées par les producteurs ces dernières années. Le secrétaire général du transformateur Cremo, Thomas Zwald, considère toutefois que des efforts ont déjà été fournis: «Des améliorations ont été apportées, notamment au niveau des contrats types établis par l’Interprofession du lait. Ceux-ci exigent une plus grande transparence et une meilleure prévision des prix.» Pour lui, les contraintes imposées par l’initiative sont trop importantes, et incompatibles avec la réalité du marché: «Ce sont des décisions qui doivent être prises entre les acteurs de la filière. Une intervention de l’Etat dans le sens de l’initiative serait un retour en arrière.»

Appel à la solidarité romande

Si chacun s’accorde sur la gravité de la situation économique et psychique des producteurs de lait, ce constat s’accompagne d’une certaine résignation chez ces derniers. En proie à l’émotion ou à la colère, ils peineraient à unir leurs forces.

Il existe des organisations de défense des paysans mais «aucune faîtière assez forte pour tenir tête aux acheteurs et faire pression sur les prix d’achat du lait», analyse M. Fragnière. ­Secrétaire syndicale d’Uniterre, Berthe Darras partage cet avis: «Il faudrait tous se mettre ensemble pour mener ce combat.»

Quant à l’initiative elle-même, bien que les députés estiment qu’elle n’a que peu de chances de passer à Berne – comme toutes les initiatives cantonales –, tous espèrent, à l’image de Marie Garnier, conseillère d’Etat fribourgeoise en charge de l’agriculture, un mouvement de solidarité chez les autres cantons romands; qu’ils s’associent, d’une manière ou d’une autre, à cette initiative et au débat qui aura lieu.

Charlotte Frossard