En partenariat avec «Le Temps», «Courrier international» publie ce jeudi huit pages spéciales de regards sur l’Helvétie. Où les récits de montagne se taillent la part du lion.
Quand elle parle de la Suisse, à quoi la presse indienne s’intéresse-t-elle? Dans les articles recueillis par Courrier international, elle prend son bâton de pèlerin et monte par exemple sur les alpages dans lesquels paissent si benoîtement nos vaches et dont le journaliste de The Wire, à New Delhi, vante les mérites. Normal, puisque les Helvètes ont au moins ceci de commun avec les Indiens qu’ils vénèrent ces braves bovidés. Et les montagnes aussi, si l’on en juge au nombre de films bollywoodiens tournés au pays de Tell, notent le site LiveMint et la chaîne de télévision NDTV:
Arguant du fait que le port des cloches au cou des bovidés représentait un «supplice» pour leurs oreilles, elle prépare un livre sur ce sujet – titre provisoire: Celle qui énerve – au grand dam de ses voisins, qui n’apprécient guère son activisme, comme elle l’a confié à The Atlantic. Elle aurait mieux fait de se réfugier dans «les vieux bunkers et autres abris militaires» désaffectés qu’a visités, ébahi, le quotidien singapourien The Straits Times, ou alors au cœur des paysages estivaux «hypnotisants» qu’a découverts l’Australian Financial Review.
La surenchère sur l’alpe
Autre problématique dans le magazine Der Spiegel, qui dénonce, lui, une surenchère confinant «à l’absurde»: celle à laquelle se livrent la Confédération et ses voisins autrichien et allemand, pour proposer une alternative aux classiques sports d’hiver. Titre de cet article? «Pas de neige, mais des idées.» Des idées «pour retenir les touristes en manque de manteau neigeux», avec par exemple «des hôtels des alpages […] de plus en plus conceptuels», comme l’établissement en gneiss des bains de Vals pensé par le célèbre architecte Peter Zumthor.
La une du supplément du «Courrier International» consacré à la Suisse
Courrier International
Quant à La Stampa, elle s’intéresse aux bisbilles autour de quelques postes frontières situés dans les contreforts des Alpes, à cet «ultimo muretto dell’Europa». Soit ces postes qu’elle «ferme la nuit» dans le but de «faire diminuer la délinquance dans une région pourtant bien calme. Côté italien, on dénonce des mesures absurdes.» Et côté tessinois, on dit simplifier ainsi «le travail des forces de l’ordre» qui traquent «la criminalité transfrontalière», assure la maire léguiste de Chiasso, Roberta Pantani. Mais «reste à savoir», commente le journaliste de Turin, si l’on se trouve vraiment dans une situation comparable au «Chicago des années 1930».
L’épopée de Marie-Lise
Cette époque, Marie-Lise Renaud l’a connue dans sa jeunesse, «quasi-nonagénaire qu’elle est» en sa vallée de Joux – encore la montagne… Au New York Times qui a dépêché une envoyée spéciale à La Golisse, elle a raconté «toute sa vie» passée dans l’industrie horlogère, à l’époque où elle-ci était encore «une histoire de familles», les Audemars Piguet, Blancpain, Vacheron Constantin et autres Jaeger-LeCoultre. Cette remontée «au fil du temps» est à la fois touchante et à peine croyable de nos jours, où la valeur des exportations de montres-bracelets suisses vers le reste du monde avoisinait les 18 milliards de francs en 2016.
Un voyage très décalé, décidément, qui réconciliera les Suisses avec la propre image qu’ils se font de leur pays, entre fierté nationale, schizophrénie parfois, et autoflagellations diverses. Ne serait-ce que grâce à Dominique Renaud, qui est venu chez sa mère avec le précieux balancier qu’elle avait reçu à l’école «et avec lequel elle a travaillé pendant des décennies» pour le léguer ensuite à son fils. «En le prenant dans ses mains», Marie-Lise Renaud a eu «les larmes aux yeux»…
Olivier Perrin