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dimanche 2 septembre 2018

Le gorfou du Fiordland peut nager jusqu'à 100 km par jour


Aller-retour, une femelle a parcouru 6801 km en 67 jours. (Photo: AFP)


Chaque année en décembre, des manchots aux grands sourcils jaunes broussailleux quittent les côtes de Nouvelle-Zélande pour un marathon de deux mois. Ils nagent sur une distance de près de 7000 kilomètres aller-retour, ont constaté des chercheurs.

Les manchots, stars de dessins animés et universellement adorés, sont peu étudiés. Un tiers des espèces vivent en Nouvelle-Zélande, où elles font partie du paysage, principalement dans les régions sauvages du sud. La plupart sont néanmoins catégorisées vulnérables ou menacées.

Jusqu'à présent, on ignorait où l'un de ces manchots, le gorfou du Fiordland (Eudyptes pachyrhynchus), migrait chaque année en quête de nourriture. Les zoologues supposaient qu'il restait près des côtes. Pour le vérifier, ils ont attaché des balises Argos sur 20 de ces oiseaux, qu'ils ont suivis quotidiennement dans leur migration.

«Au début, j'ai cru qu'il y avait une erreur dans les données», explique Thomas Mattern, chercheur de l'université de l'Otago en Nouvelle-Zélande, qui dirige le Projet Tawaki, du nom local du manchot. «J'étais complètement stupéfait, je me demandais: mais jusqu'où vont-ils aller?»

Nageur extraordinaire

La destination des manchots s'est avérée être à mi-chemin de l'Antarctique, dans des zones où les eaux chaudes du nord se heurtent aux eaux froides du sud.

Puis les manchots sont retournés en Nouvelle-Zélande. Aller-retour, une femelle a parcouru 6801 km en 67 jours. Un mâle a nagé 5597 km en 77 jours. Les données complètes ne concernent que cinq animaux, les balises s'étant vraisemblablement détachées en cours de voyage chez les 15 autres.

Ces nouvelles informations confirment que le manchot - à ne pas confondre avec les pingouins, des petits oiseaux qui peuvent voler et vivent dans le nord - est l'un des nageurs vertébrés les plus extraordinaires de la planète. Selon Thomas Mattern, les Russes avaient même étudié l'hydrodynamisme de son pelage pour l'imiter pour leurs sous-marins.

Animaux mystérieux

Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue scientifique PLOS One. Les chercheurs ont eu du mal à financer leur projet. Chaque balise coûte entre 1500 et 2000 dollars américains. Et, selon Thomas Mattern, «ce type de recherche de base n'est plus du tout à la mode».

«Pour obtenir des financements universitaires, il faut travailler sur des sujets en vogue, comme l'ADN antique ou la microbiologie», dit-il à l'AFP. A la place, le grand public et des ONG ont contribué.

Pourquoi s'intéresser aux migrations des manchots? «Ils passent jusqu'à 80% de leur temps dans l'océan et on n'a aucune idée de ce qu'ils y font», continue le passionné. «On n'est même pas certain de ce qu'ils mangent».

Or, ils sont menacés. «Si on veut agir, il faut comprendre ce qui les rend vulnérables». Le réchauffement des océans, le tourisme et la pêche affectent probablement la vie des manchots, mais encore faut-il l'étudier scientifiquement.

Plus rien à manger

«Les manchots sont en danger dans le monde entier», abonde Dee Boersma, spécialiste des manchots d'Amérique du Sud à l'université de l'Etat de Washington, commentant pour l'AFP cette étude à laquelle elle n'a pas participé. «Ils sont en concurrence avec la pêche humaine».

«Il y avait des millions de manchots africains, maintenant il en reste peut-être 30'000. Ils n'ont plus rien à manger, parce que les humains prennent presque toutes les sardines», poursuit-elle.

Reste le mystère de la destination du manchot Tawaki. Pourquoi aller si loin, a fortiori quand les côtes néo-zélandaises grouillent, au moment du périple, de poissons et autres nourritures?

Les scientifiques supposent que cela pourrait être un instinct hérité d'espèces ancestrales de manchots qui vivaient plus au sud, avant de peupler les terres de Nouvelle-Zélande.

Pour en savoir plus, d'autres études devront être menées. Si possible avec des financements internationaux, plaide Thomas Mattern: «Les manchots n'appartiennent pas aux Néo-Zélandais ou aux Australiens, c'est toute l'humanité qui en est responsable».

ATS