Regarder un film sur un écran géant dans une voiture avec son amoureux ou son amoureuse, on a tous vu ce genre d'images dans les films américains des années 50. Pourtant ce concept, popularisé dès les années 30 aux Etats-Unis, a pratiquement disparu.
Jusqu'à la pandémie, qui lui permet un retour en force. Cannes a proposé des films sur un drive-in comme un clin d'oeil alors que le festival était annulé. Tribeca à New York, Cabourg en Normandie ou Vilnius en Lituanie ont fait le même choix.
En Suisse romande, les drive-in sont plutôt rares. On connaît un ciné drive-in qui organise sa cinquième édition en août à Cossonay (VD). Dans le Jura, le cinéma de Delémont a lancé une collecte participative en ligne le 11 mai pour ouvrir un drive-in en juillet. Mais pas sûr qu'il y arrive: en un mois, seul un tiers des fonds a été récolté.
Succès pour des bénévoles
L'association Drive-In Suisse, basée en Valais, et sa vingtaine de jeunes bénévoles connaît par contre un succès retentissant avec des demandes provenant de communes et de sociétés de toute la Suisse romande. Une vingtaine de dates sont prévues en Valais et dans les cantons de Vaud, Genève et Fribourg.
Ces jeunes gens d'une vingtaine d'années, fous de cinéma, de voitures américaines et de l'univers des 50's, n'organisent d'habitude que deux ou trois évènements par an en Valais depuis 2014. La demande a explosé avec le coronavirus, explique Mathieu Jacquemoud, 24 ans.
Conthey ouvre les feux le 19 juin avec notamment le cultissime Retour vers le futur: elle sera suivie d'au moins cinq communes dans le Vieux-Pays. L'association attend les réponses dans les autres cantons.
Les Vernets GE est en stand by: la commune a dit oui, selon Jenna Moreira, une jeune diplômée qui s'occupe avec deux autres personnes de l'organisation. Mais la question du choix du parking n'est pas encore réglée.
Mathieu Jacquemoud attend un retour rapide de Gland VD afin d'organiser au mieux le planning de l'été: le matériel a déjà été réservé. Des dates sont aussi prévues à Nyon VD, puis à Fribourg en septembre.
Eviter la concurrence
Lausanne a dit non, regrette-t-il, mais selon le jeune cinéphile, cette ville a dû être submergée de demandes. «La municipalité a pris la décision de principe la semaine dernière de ne pas mettre à disposition de parkings en vue d'organiser du cinéma en plein air cet été sous forme de drive-in», explique le municipal lausannois Pierre-Antoine Hildbrand à la tête de la sécurité et de l'économie.
Elle fonde sa décision sur l'existence de cinémas à Lausanne, qui ont été durement affectés par la pandémie. «Cela semblait tout de même un peu délicat de susciter une concurrence supplémentaire durant la belle saison», a poursuivi le membre de l'Exécutif.
Edna Epelbaum, la présidente de l'Association cinématographique suisse, est plus nuancée. «Quand les drive-in sont organisés par les exploitants de salles eux-mêmes ou que, du moins, ils collaborent», elle soutient la démarche. «Cela peut permettre de contrebalancer la perte liée à la fermeture des salles pendant trois mois».
Autokino
Les drive-in semblent plus développés en Suisse alémanique, mais également proposé plus souvent par des professionnels de la branche. Konrad Schibli ouvre par exemple un open air, un «Autokino» jeudi soir à Oftringen AG. En temps normal, il gère des salles à Olten SO et s'est lancé dans l'aventure des open airs.
A côté des professionnels, plusieurs associations sans lien avec le cinéma se sont glissées dans la brèche ouverte par le coronavirus. Une assurance s'est associée à un journal gratuit et vise 250 projections dans une vingtaine d'endroits dans toute la Suisse. L'ouverture début juin d'un drive-in à Dietlikon (ZH) est l'une de leurs premières réussites.
Le sponsor et le journal gratuit incitent leurs lecteurs à trouver des lieux en leur versant 500 francs, plus un rabais de 10% sur le prix des billets. Une autre société veut aussi lancer des drive-in dans toute la Suisse romande.
Limité à 2020?
Pour Edna Epelbaum, pas sûr que les drive-in survivent à l'année 2020. «C'est tout de même moins convivial qu'un open air ou une salle de cinéma», estime-t-elle. Les sponsors ont aussi davantage de visibilité dans les open airs.
Plus généralement, le succès des drive-in s'est effondré aux Etats-Unis parce que ce modèle n'est pas très rentable. Dans ce pays, sur 306 drive-in, seuls 50 sont actuellement actifs, selon Comscore.
Un partenariat récemment annoncé entre Tribeca Enterprises, IMAX et AT&T espère les inciter à ouvrir grâce à une programmation d'été qui proposera une sélection de films et d'événements spéciaux. L'initiative, baptisée Tribeca Drive-In, sera lancée le 25 juin.
ATS