Le diamant Hope est légendaire tant par son apparence que par le récit de ses origines. Les scientifiques ont en effet confirmé que celui-ci proviendrait des profondeurs de la Terre, là où peu de diamants voient le jour
Le diamant Hope est l'un des joyaux les plus célèbres au monde. Retaillé à partir du Bleu de France, un diamant de la Couronne acheté par Louis XIV, il a inspiré le « Cœur de l'océan », visible dans Titanic et compte aujourd'hui parmi les pièces du muséum d'Histoire naturelle de Washington. Il aurait même, selon certains dires, la réputation d'être maudit, des allégations qui n'ont rien de scientifique. De récentes analyses semblent indiquer que le diamant bleu aurait vu le jour dans les entrailles de la Terre, à une profondeur trois fois supérieure à la distance moyenne à laquelle se forment les autres diamants. Il serait en cela rejoint par Cullinan, le plus gros diamant brut jamais découvert et figurant parmi les joyaux de la Couronne britannique.
Le diamant Cullinan, figurant aujourd'hui parmi les joyaux de la Couronne britannique. © Wikimedia
Des diamants super profonds
« Nous avons examiné les premiers gros diamants provenant de façon sûre du manteau inférieur, à une distance de la surface bien plus importante que dans le cas d'autres diamants. Les résultats viennent en soutien des prédictions passées basées sur des pierres de plus petite taille, suggérant que les diamants aux propriétés similaires à ceux étudiés, dont le Cullinan et le Hope, sont des diamants super profonds », commente Evan Smith, de l'Institut géologique américain. Les diamants se forment sous des pressions intenses à l'intérieur du manteau terrestre. Tandis que la majorité d'entre eux naissent à la base des plaques continentales, à des profondeurs allant de 150 à 200 kilomètres, certains, plus rares, voient le jour plus profondément encore, là où le manteau se déplace lentement dans un mouvement de convection.
Sur les traces du Hope
Le Hope est classé comme un diamant de type IIb, contenant du bore. C'est cet élément qui lui donne sa teinte bleutée caractéristique. Jusqu'à peu, les scientifiques avaient des doutes quant à la profondeur d'origine des types IIb, en particulier pour les gemmes de taille supérieure à celle d'un petit pois, ou dépassant les 3 carats. Ce n'est qu'au cours des deux dernières années que les chercheurs ont commencé à comprendre le processus de formation de ces pierres précieuses. Aujourd'hui, Smith et son collègue Wuyi Wang annoncent la détection d'un élément révélateur dans un diamant sud-africain : un minéral baptisé bridgmanite. Ce minéral est le plus abondant sur Terre. Il est aussi le constituant principal du manteau inférieur terrestre.
« Trouver les vestiges du minéral discret qu'est la bridgmanite est significatif, s'enthousiasme Smith. Il est très répandu dans les profondeurs de la Terre, soumis aux conditions de pression extrêmes du manteau inférieur, en dessous de 660 kilomètres, plus profondément encore que pour la plupart des diamants super-profonds. La bridgmanite n'existe pas dans le manteau supérieur, ni à la surface. Ce que nous observons dans les diamants lorsqu'ils atteignent la surface n'est pas réellement de la bridgmanite mais des minéraux résiduels témoins de sa désintégration à mesure que la pression décroît. Trouver ces minéraux enfermés dans un diamant signifie que le diamant lui-même a dû se cristalliser à une profondeur où la bridgmanite existe : dans les tréfonds de la Terre. »
Un formidable voyage
L'analyse d'un autre diamant appartenant à la même classe que le Cullinan a, quant à elle, révélé les éléments indicateurs de la désagrégation de la bridgmanite, confirmant que le joyau de la Couronne proviendrait lui aussi des profondeurs. « Leur origine dans le manteau profond indique que ces diamants réalisent un formidable voyage. Nous pensons que le bore qui donne au Hope sa couleur bleue caractéristique, voit le jour au fond des océans. À partir de ce point, la tectonique des plaques le tire sur des centaines de kilomètres à travers le manteau, où il peut être transformé en diamant. »
Son histoire
Le diamant est rapporté en France par le voyageur Jean-Baptiste Tavernier, qui le vend à Louis XIV. La légende du diamant, régulièrement relancée, veut que la pierre ait été volée sur une statue de la déesse Sitâ. Mais une tout autre histoire a pu être retracée en 2007 par François Farges du Muséum national d'histoire naturelle de Paris : le diamant aurait été acheté par Tavernier, dans l'immense marché aux diamants de Golconde, lorsqu'il s'était rendu en Inde sous l'empire moghol. Les chercheurs du Musée d'histoire naturelle ont aussi découvert l'emplacement de la mine dont le diamant serait originaire et qui se situe dans le nord de l'actuel Andhra Pradesh. La deuxième hypothèse sur l'origine du diamant est même prouvée par les archives mogholes d'Hyderabad. Plusieurs rumeurs veulent que le diamant Hope soit maudit et tue les personnes entrant en sa possession : Tavernier aurait fini dévoré par des bêtes sauvages, après avoir été ruiné, alors qu'en réalité, il est simplement mort de vieillesse à Moscou, à 84 ans. Louis XIV fait tailler la gemme, qui passe de 112,5 à 67,5 carats, et nomme le diamant obtenu « Violet de France » (en anglais : French Blue, d'où la déformation du nom actuel).
En septembre 1792, le diamant est dérobé au garde-meuble national lors du vol des joyaux de la Couronne de France. Le diamant et ses voleurs quittent la France pour l'Angleterre. La pierre y est retaillée pour être plus facilement vendue et sa trace se perd jusqu'en 1812, exactement vingt ans et deux jours après le vol, durée suffisante pour que celui-ci soit prescrit.
Vers 1824, la pierre, qui a déjà été retaillée par le marchand et receleur Daniel Eliason, est vendue à Thomas Hope, banquier à Londres, membre d'une riche lignée possédant la banque Hope & Co., et qui meurt en 1831. La pierre fait l'objet d'une assurance-vie souscrite par son jeune frère, lui-même collectionneur de gemmes, Henry Philip Hope, et est portée par la veuve de Thomas, Louisa de la Poer Beresford. Restant dans le giron des Hope, le diamant prend désormais leur nom et apparaît dans l'inventaire de Henry Philip après sa mort (sans descendance) en 1839 .
Le fils aîné de Thomas Hope, Henry Thomas Hope (1807-1862), en hérite : la pierre est exposée à Londres en 1851 durant la Grande Exposition, puis à Paris, durant l'exposition de 1855. En 1861, sa fille adoptive Henrietta, seule héritière, se marie avec un certain Henry Pelham-Clinton (1834-1879) déjà père d'un garçon : mais Henrietta craint que son beau-fils ne dilapide la fortune familiale, aussi, elle forme un « trustee » et transmet la pierre à son propre petit-fils, Henry Francis Hope Pelham-Clinton (1866-1941). Il en hérite en 1887 sous la forme d'une assurance-vie ; il ne peut ainsi se séparer de la pierre qu'avec l'autorisation du tribunal et du board of trustee. Henry Francis vit au-dessus de ses moyens et cause en partie la banqueroute de sa famille en 1897. Sa femme, l'actrice May Yohé (en), subvient seule à leurs besoins. Le temps que le tribunal l'autorise à vendre la pierre afin de l'aider à régler ses dettes, en 1901, May est partie avec un autre homme pour les États-Unis. Henry Francis Hope Pelham-Clinton revend la pierre en 1902 au bijoutier londonien Adolphe Weil qui la revend au courtier américain Simon Frankel pour 250 000 dollars.
Les propriétaires successifs du Hope au xxe siècle sont Pierre Cartier, fils du célèbre joaillier Alfred Cartier (de 1910 à 1911) qui le revend 300 000 dollars à Evalyn Walsh McLean (en). Celle-ci en est propriétaire de 1911 à sa mort en 1947, puis il passe à Harry Winston en 1949, qui en fait don au Smithsonian Institute de Washington en 1958. Afin de rendre le transport de la pierre le plus discret et sûr possible, Winston l'envoie au Smithsonian par la poste, dans un petit colis enveloppé de papier kraft. Restant le plus gros diamant bleu jamais découvert à ce jour, le diamant est toujours visible dans la célèbre institution, où il bénéficie d'une pièce réservée : c'est le deuxième objet d'art le plus admiré dans le monde (six millions de visiteurs annuels) après la Joconde au Louvre (huit millions de visiteurs annuels).
Egger Ph.