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samedi 18 juillet 2020

Ces Romands qui espionnaient à la solde d'Hitler


Extrait de la «Feuille d’Avis de Lausanne» du 27 novembre 1946


Le procès qui s’ouvre le lundi 25 novembre 1946, devant le tribunal correctionnel du district de Cossonay siégeant à Lausanne, est spécial à plus d’un titre. Il s’agit tout d’abord d’un cas d’espionnage politique qualifié à l’époque d’«assez exceptionnel» par la «Feuille d’Avis de Lausanne». Une affaire déjà jugée 7 mois plus tôt, mais dont le jugement a été cassé suite à la mort d’un juge suivie d’un recours (on avait omis de désigner un juge suppléant). En outre, l’enquête a été menée par plusieurs entités (sûreté vaudoise, magistrature informatrice lausannoise, police et ministère public fédéraux, autorités bâloises, etc.).

Constant Cachin était chargé de récolter des informations sur les communistes, les juifs, les réfugiés et les soutiens de la Résistance française.

L’affaire réunit six prévenus. Henri Nauber, né en 1909 à Lausanne dans une famille de musiciens d’origine allemande, architecte formé à Paris, travailla à Lausanne «jusqu’au moment où la guerre mondiale et les succès du nazisme réveillèrent en son cœur le patriotisme allemand», écrit la «Feuille». Instruit à la propagande et à l’espionnage à Stuttgart, où étaient formés ceux qui, venus de Suisse, se mettaient au service du IIIe Reich, agent de la Gestapo, la police politique du Reich, il fut envoyé à Gex, aux portes de Genève. Sous le pseudonyme de Paul Bertrand et la couverture d’un emploi d’interprète au poste de douane de Gex, il est en réalité chargé d’organiser un service de renseignements politiques couvrant la Suisse romande, dans le but de récolter des informations sur les communistes, les juifs, les réfugiés et les soutiens de la Résistance française.

Constant Cachin, né en 1898 à Payerne, s’enrôla en 1920 dans l’équivalent espagnol de la Légion étrangère, où il eut comme lieutenant un certain Francisco Franco, futur dictateur espagnol. Il acquit ensuite la nationalité française, entra dans l’administration des douanes et fut affecté à Gex. Sous l’occupation allemande, il est formé à la TSF à Fribourg-en-Brisgau et équipé d’un poste émetteur-récepteur afin de pouvoir transmettre directement en Allemagne les informations recueillies. Muni d’un laissez-passer pour la Suisse, il devient l’agent recruteur de Nauber.

Marie Galichet faisait la liaison entre l’Allemagne et des agents en Suisse.

Marie Galichet, née en 1912 en France, mère de six enfants, ancienne maîtresse de Nauber, a été autorisée à s’installer à Genève en 1943 et 1944 pour raison de santé. «C’est pendant ce long séjour et nonobstant sa santé chancelante qu’elle servit de courrier entre N. et ses agents suisses», narre la «Feuille».

Ces derniers, au nombre de trois, proches des milieux d’extrême droite suisses mais motivés aussi bien par des raisons financières que politiques, complètent la bande: il y a Jean Merle, Genevois né en 1910, Vadis Rouge, Vaudois de mère allemande né la même année, et enfin Adrien Schulé, Neuchâtelois né en 1902, instituteur à Villars-Sainte-Croix, lieutenant dans l’armée suisse. Ce dernier a en outre vendu son pistolet militaire à Nauber. Il inspirait une telle confiance au consulat d’Allemagne à Lausanne que l’adjoint de Joseph Goebbels lui promit officiellement la charge de «Gauleiter», responsable de la Suisse romande, une fois celle-ci annexée à la «Grande Allemagne». Il faut dire qu’en 1933 déjà, Schulé avait écrit à Hitler pour lui dire «que ses ancêtres avaient été «baillis» des rois de Prusse dans le canton de Neuchâtel et qu’en cette qualité il était un grand admirateur du national-socialisme».

Malheureusement, Nauber, principal protagoniste de l’affaire, manque à l’appel. Manquent également, probablement, d’autres «espions» à la solde de l’Allemagne. Car comme l’écrit la «Feuille», «la clarté n’est jamais complète dans les questions d’espionnage […] Nous ne connaissons qu’une partie de l’activité délictueuse des accusés». Le 4 décembre, ils sont malgré tout reconnus coupables d’avoir fourni des renseignements politiques à une puissance étrangère. Nauber écope de 3 ans d’emprisonnement, Schulé de 1 an, il est destitué et dégradé. Marie Galichet est condamnée à 8 mois, Cachin et Merle à 6, les trois avec sursis. Le sixième inculpé, Rouge, sera jugé séparément, un examen psychiatrique ayant été demandé.

Gilles Simond