Pour découvrir la fabrication du chocolat Cailler et la production du fromage de gruyère,
il faut se rendre à Broc et à Pringy/Gruyères dans le canton de Fribourg
La Maison Cailler, les Bains de Charmey, la Maison du Gruyère et le Château de Gruyère: quatre des cinq sites touristiques les plus fréquentés du canton de Fribourg sont concentrés en quelques kilomètres au pied des Préalpes dont le sommet mythique - le Moléson - à 2000 mètres d’altitude peut être atteint à pied ou en funiculaire puis en téléphérique. «Cette constellation de l’offre est un atout indéniable pour la région. Elle amène dans notre station une clientèle étrangère individuelle en provenance d’Interlaken et de la Riviera vaudoise», affirme Antoine Micheloud, administrateur-délégué du Centre touristique de Gruyères-Moléson-Vudalla (GMV). Depuis une quinzaine d’années, la station gruérienne réalise le tour de force d’attirer davantage de personnes en été qu’en hiver avec un positionnement axé sur les familles.
Au cœur des Préalpes
Les activités agro-alimentaires dominent le paysage industriel du canton noir et blanc. Parmi les acteurs-phares figurent Villars Maître Chocolatier et Cremo à Fribourg, Ladurée à Enney, ainsi que les sites de production de Migros à Courtepin (viande), à Estavayer-le-Lac (produits laitiers) et Ursy (affinage de fromages). Mais ces entreprises n’ouvrent pas leurs portes aux touristes de passage ou en vacances dans la région. Ces derniers doivent se rabattre sur la Maison Cailler, la Maison du Gruyère, des fromageries d’alpage au cœur des montagnes ou d’autres petits acteurs.
A Broc, la Maison Cailler, qui fête cette année ses dix ans d’existence, nous plonge dans l’univers du chocolat à travers un parcours didactique d’environ une heure, lequel peut être complété par un détour à l’atelier du chocolat. Avec 417 429 entrées en 2019, elle est le deuxième site touristique le plus fréquenté de Suisse romande. Avant la dégustation, le visiteur découvre une chaîne de production de branches Cailler en face de laquelle un artisan-chocolatier fabrique des pièces destinées à la vente.
L’engouement pour la Maison Cailler permet de stabiliser la fréquentation de la Maison du Gruyère. A Pringy/Gruyères, celle-ci comprend une fromagerie de démonstration qui dispose d’une exposition-découverte de l’histoire et de la production du fromage de table le plus consommé de Suisse. On y découvre surtout la fabrication du gruyère. Chaque jour, à des heures précises, les visiteurs s’agglutinent derrière de grandes baies vitrées donnant sur les installations autour desquelles s’activent plusieurs fromagers. Dans la région, quelques chalets proposent aussi des visites pour appréhender la production traditionnelle et au feu de bois du gruyère d’alpage.
Un million de visiteurs par an
La Gruyère, avec plus d’un million de visiteurs par an, c’est le cœur du tourisme fribourgeois. Selon les indications fournies par une étude publiée en 2019, elle concentre, à elle seule, 40% de la contribution directe du tourisme à l’économie cantonale. La ville de Fribourg, le lac Noir et la région de Morat constituent les autres pôles du tourisme fribourgeois. Ses clients sont majoritairement des excursionnistes de passage. Dans l’hôtellerie, avec plus de 60% des nuitées, les Suisses constituent la majorité des hôtes.
Outre les conséquences de la pandémie de coronavirus, les acteurs de la branche doivent relever trois principaux défis. Primo: l’hébergement. Dans l’hôtellerie, qui souffre du manque d’événements d’envergure internationale et de l’absence d’un hôtel de luxe depuis la fermeture du Vieux-Manoir près de Morat, la durée moyenne des séjours est faible (1,61 jour). Même la Gruyère ne parvient pas à retenir ses visiteurs pendant quelques jours. De même, la ville historique de Fribourg peine à générer une clientèle d’affaires afin de pouvoir accroître la fréquentation de ses hôtels.
La construction de nouveaux établissements est prévue à Bulle et à Fribourg, alors que la chaîne Hyatt a signé un contrat d’exploitation avec le futur resort de luxe de Pont-la-Ville. «Malgré les retombées négatives que produira le Covid-19 sur la branche, la réalisation des deux premiers hôtels se justifient. En revanche, nous avons les plus grandes craintes pour le dernier projet destiné à une clientèle internationale», explique Pierre-Alain Morard, directeur de Fribourg, l’Union fribourgeoise du tourisme. Président de l’Association fribourgeoise des hôteliers, Raymond Surchat est plutôt réservé. «Le gâteau pour les acteurs en place va diminuer, alors que la pandémie de coronavirus pèsera sur le taux d’occupation des chambres en raison du changement des habitudes de consommation», constate-t-il.
Dans la parahôtellerie, l’offre est insuffisante même si elle a augmenté avec airbnb. Les clients qui optent pour cette forme d’hébergement séjournent en moyenne 3,4 jours dans le canton. Soit pour une durée beaucoup plus longue que ceux privilégiant les hôtels. «Le potentiel est là. Nous avons besoin de ce type d’hébergement, mais celui-ci nécessite un certain volume de clientèle», affirme Pierre-Alain Morard.
Un tourisme quatre-saisons
Secundo: les remontées mécaniques. Avec le réchauffement climatique, la neige recouvre de moins en moins les pistes de ski. D’autant que les stations se situent à une altitude critique. Contrairement à ce que préconisent les auteurs du rapport Préalpes Vision 2030, le Conseil d’Etat a déjà affirmé qu’il n’a pas l’intention de soutenir l’enneigement mécanique. Les difficultés des remontées mécaniques de Charmey, dont les nouveaux dirigeants cherchent à booster la fréquentation avec de nouvelles activités, montrent l’ampleur du défi tant au niveau de la gouvernance des installations cantonales que du côté de la diversification de l’offre. Comme toutes les stations helvétiques, celles du canton de Fribourg visent un tourisme quatre-saisons. Les acteurs politiques parviendront-ils à s’entendre pour éviter un saupoudrage des aides afin de concentrer les investissements sur des lieux stratégiques? «Si nous analyserons les projets sous l’angle de leur viabilité économique à moyen terme, nous devrons aussi convaincre les acteurs politiques et régionaux», constate André Losey, président des Remontées mécaniques fribourgeoises qui sont détenues à 49% par l’Etat et à 27% par les régions.
Des intérêts divergents
Tercio: l’aménagement du territoire. Les activités touristiques ne s’accordent pas toujours avec la protection du paysage et de la nature. A Moléson, Antoine Micheloud cherche à développer les activités, mais il se heurte à de nombreux obstacles et à la lourdeur des démarches administratives. A Charmey, la création de pistes VTT et la desserte d’une buvette créent des tensions avec des résidents et les écologistes. «Il faut résoudre les incohérences entre les intérêts divergents des parties et les réglementations communales, cantonales et fédérales en définissant clairement les zones touristiques au niveau de l’aménagement du territoire. L’objectif est de permettre aux acteurs de la branche d’accroître leur offre sans qu’ils doivent combattre pour chaque nouvelle prestation toutes sortes d’oppositions», insiste Antoine Micheloud», insiste Antoine Micheloud.
Jean-Philippe Buchs