Tous les cantons suisses ont commencé à vacciner contre la Covid-19 en ce début d’année. Au 24 janvier, plus de 197'000 doses avaient été administrées, selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Jusqu’à présent, deux vaccins ont été autorisés par Swissmedic, l’agence suisse de surveillance des produits thérapeutiques. Il s’agit des doses fabriquées par Pfizer/BioNTech et Moderna.
Les personnes âgées et à risque sont vaccinées en priorité, mais pour l’instant la demande dépasse largement l’offre. L’approbation récente du vaccin de Moderna devait permettre d’accélérer la campagne, mais la Suisse est aussi touchée par les retards de livraison de Pfizer/BioNTech. Plusieurs cantons ont dû temporairement suspendre leurs inscriptions aux vaccinations, afin de garder des doses disponibles pour la seconde injection nécessaire avec ce type de vaccins.
Toutefois, l’OFSP estime que ces retards ne remettent pas en question l’objectif des autorités, à savoir de vacciner tous les groupes à risque d’ici fin mars.
Les essais ont montré que les deux vaccins ARN messager sont très efficaces. Leur principale différence réside dans la manière dont ils sont stockés et injectés. Le vaccin Pfizer/BioNTech doit être conservé à des températures de -70 degrés et doit être transporté dans des conteneurs réfrigérants particuliers. Le vaccin de Moderna peut en revanche être conservé dans un congélateur standard, à une température de -20 degrés.
«Le stockage et le transport du vaccin de Moderna sont plus faciles. Le produit est déjà sous forme liquide et comprend dix doses par flacon [contre cinq à préparer soi-même pour le vaccin Pfizer/BioNTech], explique Patrick Genoud, coordinateur du centre de vaccination du Centre hospitalier universitaire de Lausanne (CHUV). Nous pouvons préparer les vaccins de Moderna à l’avance et les transporter d’une maison de retraite à l’autre avec une plus grande souplesse.»
Le vaccin d’AstraZeneca, qui n’a pas encore été approuvé par Swissmedic, est meilleur marché et ne nécessite pas de congélation. Il peut être stocké dans un réfrigérateur normal durant six mois. Le quatrième vaccin encore examiné par la Suisse est le produit de l’entreprise pharmaceutique Janssen-Cilag, qui fait partie du groupe Johnson & Johnson. Il est assez similaire à celui d’AstraZeneca et fait encore l’objet d’essais cliniques.
Moncef Slaoui, le conseiller scientifique du gouvernement américain pour le développement et la distribution des vaccins contre le coronavirus a déclaré que le taux d’efficacité attendu pour le produit de Janssen-Cilag était d’environ 80%. L’avantage de ce vaccin est qu’il ne nécessite qu’une seule dose, contrairement aux ARN messager qui sont efficaces après deux doses. De plus, il peut être conservé durant trois mois à des températures entre 2 et 8 degrés et durant 2 ans à -20 degrés.
Si les essais prouvent l’efficacité du vaccin de Janssen-Cilag, l’entreprise pourra demander une autorisation urgente à l’administration américaine en février. Un haut fonctionnaire de l’Union européenne (UE) a récemment déclaré à l’agence de presse Reuters que le produit pourrait être disponible en Europe au mois d’avril. Janssen-Cilag a déposé en décembre une demande d’autorisation auprès de Swissmedic.
Peut-on choisir son vaccin?
Blaise Genton, responsable des maladies infectieuses au centre médical universitaire de Lausanne Unisanté, pense que les patients n’auront probablement pas la possibilité de choisir le vaccin qu’ils préfèrent. Dans certains cas, la décision peut revenir au médecin qui suit la personne à vacciner. «Les indications seront probablement différentes d’un vaccin à l’autre. Pour les individus souffrant d’allergies graves, les vaccins ARN messager sont déconseillés, mais ce n’est pas le cas du produit d’AstraZeneca», indique le médecin.
Les experts soutiennent qu’il n’y a pas de différence majeure entre les vaccins au niveau de la protection qu’ils confèrent contre le coronavirus. «Les deux vaccins ARN messager sont très comparables en termes d’efficacité et de tolérance, affirme Christoph Berger, président de la commission fédérale pour les vaccinations. Il n’importe donc pas qu’une personne reçoive l’un ou l’autre.»
Un avis que partage Virginie Masserey, responsable des maladies infectieuses au sein de l’Office fédéral de la santé publique: «Nous partons du principe que les vaccins se valent au niveau de la sécurité et de l’efficacité. Le choix ne se fera pas en fonction du désir du patient, mais en fonction de la disponibilité du produit.»
Avec la pandémie qui ne faiblit pas et l’apparition de nouveaux variants, il ne faut pas faire la fine bouche estiment les experts. «Je dirais qu’en ce moment, tout vaccin ayant une efficacité relativement bonne — c’est-à-dire au moins 60% ou 70% — devrait être utilisé lorsqu’il présente un profil de sécurité approprié», soutient Thomas Klimkait, professeur à l’Université de Bâle.
Les nouveaux vaccins sont-ils sûrs?
Swissmedic surveille de près la sécurité des nouveaux produits thérapeutiques. Si certains pays se sont empressés d’approuver des vaccins, la Suisse a adopté une approche plus prudente. Le produit de Pfizer/BioNTech a par exemple été autorisé le 1er décembre au Royaume-Uni et le 20 décembre en Suisse, Moderna le 19 décembre aux États-Unis et le 12 janvier en Suisse.
En décembre, Swissmedic a déclaré que les processus d’approbation d’urgence utilisés par certains pays pour accélérer le déploiement des vaccins contre le coronavirus n’étaient pas une option légale en Suisse.
Rien n’est jamais garanti à 100%, mais jusqu’à présent aucun élément inquiétant n’a été signalé. Swissmedic précise que les effets secondaires les plus fréquents apparus lors de la vaccination avec les doses de Moderna et Pfizer/BioNTech sont «comparables à ceux liés à d’autres vaccins contre la grippe», à savoir de la fatigue, des maux de tête, des frissons et des douleurs musculaires.
Steve Pascolo, immunologiste à l’hôpital universitaire de Zurich, a travaillé durant 20 ans avec des vaccins ARN messager. Il est convaincu que cette technologie est sûre et ne s’attend pas à des effets secondaires sur le long terme. «L’ARN messager est très stable dans les échantillons du laboratoire. Mais dans le corps humain, il est très vite décomposé par des enzymes. Après un jour ou deux, il n’en reste aucune trace dans l’organisme», a-t-il affirmé à la télévision publique suisse alémanique SRF.
Blaise Genton fait aussi confiance aux différentes technologies disponibles. Il a indiqué qu’il choisirait «n’importe lequel des trois vaccins» (Moderna, AstraZeneca, Pfizer/BioNTech). Il souligne que le processus de recherche ultrarapide n’a en aucun cas été bâclé ou simplifié: «Je connais le vaccin à vecteur viral, car je connais le vaccin Ebola et j’ai beaucoup travaillé avec les vaccins contre la malaria, dévoile Blaise Genton. Nous utilisons cette technologie depuis 15 ans. L’équipe d’Oxford l’a même testée sur des nourrissons, nous devrions donc être rassurés.»
Toutefois, certains immunologistes suisses qui ont tenté de développer eux-mêmes des vaccins contre la Covid-19 émettent des réserves à l’encontre de la technologie ARN messager, des procédures, des substances utilisées et des éventuels effets sur le long terme. «Nous ne savons pas si cela causera des problèmes à long terme, disons pour une personne sur 20’000 dans les trois prochaines années», a déclaré à SRF Martin Bachmann, immunologiste à l’Université de Berne.
Le scepticisme des professionnels suisses de la santé à l’égard du vaccin contre le coronavirus semble refléter celui à l’égard du vaccin contre la grippe. Une enquête menée auprès de 4000 personnes dans le canton de Neuchâtel en décembre dernier révèle que 40% ont l’intention de se faire vacciner contre la Covid-19. Mais cela varie en fonction des corps de métiers, par exemple les médecins sont 75% à avoir répondu par l’affirmative, les infirmières seulement 36%. Pour le vaccin contre la grippe, seuls 5% des infirmières sont habituellement d’accord de se faire vacciner. Le résultat du sondage sur le vaccin contre la Covid-19 est donc encourageant, estiment les autorités neuchâteloises.
Simon Bradley