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jeudi 4 juillet 2024

Connaissez vous le vrai Alain Berset ?


Elisabeth Baume-Schneider a-t-elle muselé un média étudiant

Sur les réseaux sociaux, Caféine Média est un média jeune et impertinent. Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) l’a appris à ses dépens.

Le 26 juin dernier, le média étudiant vaudois né à l’été 2023 publie sur Instagram et TikTok ce message fracassant: «Le Département fédéral d’Elisabeth Baume-Schneider blackliste Caféine Média à cause d’une interview de Berset!» Pour tout comprendre, revenons un peu en arrière.

Alain Berset face caméra, ça va

Le 1er août 2023, Caféine Média, à peine un millier d’abonnés sur Insta et au départ financé par l'État de Vaud, se rend aux célébrations de la fête nationale à Lausanne dans l’espoir d’interviewer l’invité d’honneur: Alain Berset. Le rédacteur en chef, Rayan Meldan, n’est pas encore majeur. Le futur secrétaire général du conseil de l’Europe, lui, est alors Président de la Confédération et conseiller fédéral chargé de l’Intérieur.

La requête est acceptée, l’entretien a lieu. Sur les quais d’Ouchy, le socialiste fribourgeois disserte, verre de blanc à la main, sur la symbolique du 1er Août et les paysages helvétiques. Et deux semaines plus tard, la vidéo de l’événement sort sur les réseaux sociaux.

 

 

Côté coulisses, c’est moins lisse

Mais l’entretien ne s’est pas tout à fait passé comme prévu. C’est ce que montre une seconde publication sortie sept mois plus tard, en mars 2024. Celle-ci promet de découvrir «le vrai Alain Berset». Elle dévoile les coulisses de la première interview.

Les journalistes en herbe commencent par demander au chef d’État de «présenter sa fonction en quelques mots». Problème? Cette requête ne passe pas et agace Alain Berset. «Attendez voir. Stoppez tout. Tu veux bien me faire une interview qui tienne debout», demande-t-il au coresponsable de la communication du DFI, Christian Favre.

Alain Berset s’en va et, sur les images, son communicant gère la situation en choisissant les questions de Caféine Média. Quelques secondes plus tard, le Président de la Confédération est de retour, prêt à continuer sous ses conditions. «On fait une interview, si vous êtes d’accord. Et pas un CV», ironise le responsable politique en direction des jeunes journalistes.


 

Interview avec EBS refusée

Du temps passe, Caféine Média interviewe Guy Parmelin ou le président du Conseil national Eric Nussbaumer — là aussi en leur demandant de se présenter et d’expliquer leur fonction. Les journalistes couvrent les actions des jeunes agriculteurs vaudois en colère, puis les occupations des universités par les étudiants pro-palestiniens.

Puis vient le temps des 60 ans de la Haute école de travail social et de la santé (HETSL), à Lausanne. Elisabeth Baume-Schneider, successeure d’Alain Berset au DFI, est invitée à l’événement en tant qu’ancienne directrice de l’école. Caféine Média recontacte Chistian Favre pour rencontrer la conseillère fédérale socialiste, mais voit sa demande refusée. La publication de la seconde vidéo, sur le «vrai» Berset, n’est apparemment pas au goût du DFI et de son service de presse.


«Nous sommes très fâchés par rapport à l’extrait diffusé. Avec votre attitude non-professionnelle, vous avez grillé toutes vos chances avec le DFI»

LES PROPOS DE CHRISTIAN FAVRE (DFI) TELS QUE RAPPORTÉS PAR RAYAN MELDAN, RÉDACTEUR EN CHEF DE CAFÉINE MÉDIA


Un refus d’interview, cela arrive. Mais Rayan Meldan, 17 ans et rédacteur en chef de Caféine Média, estime que le média qu’il a fondé est «blacklisté». Contacté par Blick, il rapporte les propos que le communicant du DFI aurait tenus lors de leur échange: «Nous sommes très fâchés par rapport à l’extrait diffusé. Avec votre attitude non-professionnelle, vous avez grillé toutes vos chances avec le DFI.»

Pas de commentaire du DFI

Quelle lecture de la situation fait le Département de l’Intérieur et son porte-voix, cité et nommé par Caféine Média? Ce mardi 2 juillet, au téléphone, Christian Favre nous fait sèchement savoir qu’il ne commentera pas son interaction avec Caféine Média. Les propos échangés entre lui-même et Rayan Meldan ne sont par conséquent ni confirmés, ni infirmés.

Voici la série de questions que nous avons posé au codirecteur de la communication: Avez-vous, comme l’affirme Caféine Média, blacklisté ce jeune média à la suite de la publication des extraits vidéo du début de leur interview d’Alain Berset? Alain Berset se trouvait dans l’espace public, ne peut-on pas considérer que ce qui a été montré par Caféine Média reflète la réalité de l’interaction qu’il a eue? En quoi est-ce que diffuser les coulisses d’une telle interview ne convient pas au DFI? Est-ce le rôle du DFI de modifier les questions d’un média?

Pour Christian Favre, la vidéo coulisses de Caféine Média aussi bien que ces lignes n’ont pas d’intérêt journalistique. De quoi agacer le communicant, qui annonce qu’il appellera le rédacteur en chef de Blick pour manifester son mécontentement.

Être Alain Berset «n'autorise pas à se prendre pour un demi-dieu»

Côté coulisses, le comportement du «vrai» Alain Berset agace jusque dans les rangs du Parti socialiste (PS). Le vice-président du Parti socialiste neuchâtelois, Hugo Clémence, n'est pas passé à côté des bisbilles d'Alain Berset et de «son» Département fédéral de l'Intérieur (DFI) avec un média étudiant. Face au média étudiant Caféine Média, financé à la base par l'État de Vaud, l'ancien président de la Confédération et le DFI — dont Elisabeth Baume-Schneider est désormais à la tête — s'est distingué… en mal.

Sur Instagram et TikTok, donc à destination des jeunes, Caféine Média décrypte l’actualité suisse et ses institutions politiques depuis l’été 2023. Mais comme l’a souligné Blick ce mercredi 3 juillet, leur vidéo sur «le vrai» Alain Berset – dévoilant les coulisses peu reluisantes d’une interview avec l’ancien conseiller fédéral socialiste –, n’a visiblement pas plu au service de communication du DFI. Quelques mois plus tard, leur demande d’interview de la nouvelle conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a été refusée par le responsable de la communication, Christian Favre.

Mercredi sur X, un autre camarade n’a pas épargné le nouveau secrétaire général du Conseil de l’Europe. Vice-président du PS neuchâtelois, le député au Grand conseil Hugo Clémence s’est agacé du comportement d’Alain Berset, avant de manifester son «amitié» aux «journalistes en herbe» de Caféine Média, pas encore majeurs.

Engagé pour la participation de la jeunesse à la vie politique, l'élu de 25 ans, encore étudiant en histoire à l’Université de Neuchâtel, a accepté de répondre aux questions de Blick. Il estime que les jeunes et leurs codes ont leur place au sein des institutions helvétiques séculaires. Interview.

Hugo Clémence, qu’est-ce qui vous gêne dans cette réaction de votre camarade socialiste Alain Berset aux questions de Caféine Média?

Ce qui me gêne va au-delà du cas d’Alain Berset en particulier. Cette situation est symptomatique d’un double discours vraiment dommageable pour l’ensemble du corps politique, mais aussi pour tous les gens qui s’y intéressent de près ou de loin. Nous autres élus locaux et militants sommes sur le terrain toute l’année pour expliquer à la population pourquoi il est important de voter et d’élire des gens qui les représentent. Ce genre de vidéo entache tout le travail effectué pour redonner confiance en la politique.

Quelle analyse portez-vous sur cette relation entre médias et responsables politiques? Est-ce que Caféine Média n’aurait pas dû montrer ces images des coulisses d’une interview?

Ce n’est même pas une question. Alain Berset n’a pas été piégé par Caféine Média. Il était dans un endroit public, il savait qu’il était filmé. En tant que personnalité publique, il doit pouvoir assumer ce risque. C’est bien qu’un média, surtout créé par et pour des jeunes, s’autorise ce genre de révélations. Ce n’est pas non plus une affaire d’État, pas de quoi en faire tout un fromage. Caféine Média a bien fait de montrer ce discours alternatif. Les politiques ne peuvent pas tout se permettre n’importe quand et avec n’importe qui. Quand on se comporte mal, il y a des conséquences, tout simplement.


«La temporalité des médias sociaux ne doit pas dicter la manière dont les politiques agissent»

HUGO CLÉMENCE, VICE-PRÉSIDENT DU PARTI SOCIALISTE NEUCHÂTELOIS


On a là des jeunes journalistes qui s’intéressent à la politique et aux institutions suisses. Mais leurs codes — ceux des réseaux sociaux, de TikTok et d’Instagram — sont-ils adaptés aux institutions politiques suisses actuelles?

C’est compliqué, je pense que la réponse est non. C’est évident qu’une adaptation doit se faire des deux côtés. Cela dit, les politiciens suisses doivent éviter de tomber à l’extrême dans la politique des réseaux sociaux. La temporalité des médias sociaux ne doit pas dicter la manière dont les politiques agissent. Il y a un temps qui est politique, un temps médiatique et un temps pour les réseaux sociaux: il ne faut pas tout mélanger. Mais on ne peut pas faire abstraction de ces nouveaux codes, auxquels les institutions ne sont pas forcément adaptées.

Pas mal de politiciens, de politiciennes et d’institutions se mettent aux réseaux sociaux…

Quand on veut adopter ces codes, il faut comprendre qu’on ne peut pas tout maîtriser. Le format de Caféine Média était très classique. Des caméras, un micro et des questions, ce n’est pas surprenant non plus. Les institutions peuvent s’y adapter. Mais la transformation reste importante.


«Ce genre d’image et de comportement pèse sur l’intérêt des gens pour la politique, et en particulier des jeunes»

HUGO CLÉMENCE, VICE-PRÉSIDENT DU PARTI SOCIALISTE NEUCHÂTELOIS


En l’occurrence, Alain Berset dans cette vidéo refuse de se présenter en son titre et fonction…

Cela aurait pris une demi-seconde. Sans être un monstre problème, c’est symptomatique d’une déconnexion entre les politiques et la population. On voit que ces jeunes sont de bonne foi, qu’ils ont fait les démarches pour l’interviewer, qu’ils prennent le temps de s’intéresser à la politique et qu’ils sont contents d’avoir le président face à eux. L’exercice de se présenter, c’est un truc qui se fait sur les réseaux sociaux. Ce genre d’image et de comportement pèse sur l’intérêt des gens pour la politique, et en particulier des jeunes.

Comment est-ce qu’on se forme à ces questions-là, en tant que jeune politicien socialiste en Suisse romande?

On est informé, c’est évident. On fait attention à ce qu’on dit, ce qu’on fait et comment on le fait. C’est un jeu entre les médias et la politique, fait de règles tacites. Il y a un enjeu de confiance. Mais au fond, c’est une question de respect et de bon sens.


«Les attentes du public et des jeunes évoluent. En tant que politiciens, on doit vraiment redescendre de notre piédestal»

HUGO CLÉMENCE, VICE-PRÉSIDENT DU PARTI SOCIALISTE NEUCHÂTELOIS


Prenons un peu de hauteur en partant de l'exemple de Caféine Média. Comment susciter et accueillir cet intérêt sincère de la jeunesse pour la politique suisse et ses institutions?

La première chose à faire, c’est de comprendre qu’il y a une transition en cours. Les médias et les codes de communication se transforment, et on doit s’adapter. On dit beaucoup que les jeunes qui s’engagent plus ne s’intéressent plus à la politique. C’est faux. Beaucoup montrent leur intérêt via des médias ou des plateformes sur les réseaux sociaux. Mais un jeune de 19 ou 25 ans qui crée des contenus politiques destinés aux réseaux sociaux n’est pas un journaliste accrédité avec 40 ans d’expérience dans les pattes. Et c’est normal. On doit l'accueillir de manière bienveillante. Comme politiciens, on doit remettre en question nos acquis.

C’est-à-dire?

Tout le monde n’a pas les mêmes savoirs. Il ne faut pas être trop figés là-dessus. C’est un peu notre problème, en Suisse. Nos institutions changent difficilement. Mais les attentes du public et des jeunes évoluent. Il y a cette envie de faire la politique différemment. Et ça, il faut l’entendre, le comprendre et s’y adapter. En tant que politiciens, on doit vraiment redescendre de notre piédestal. On dit souvent que la politique suisse est proche de la population. Mais même ici, il y a un ras-le-bol de cette déconnexion. Dans tous les partis, il faut se remettre en question. Je n’ai aucun mal à en dire de même pour un ministre socialiste.

Léo Michoud

blick.ch