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jeudi 5 septembre 2024

Tous égaux dans la mort: Fribourg revoit le règlement du cimetière

 

Le cimetière de St-Léonard à Fribourg


Ouvert en 1903, dans un grand parc, le cimetière St-Léonard de Fribourg doit repenser son avenir face à l’évolution des pratiques funéraires. La révision de son règlement, vieux de 120 ans, doit lui permettre une mise à jour nécessaire. Entre dispositions obsolètes, exigences de la modernité et respect des morts, le chemin est étroit.

«Le transport au cimetière s’opère, dans la règle, comme suit: a) par porteur pour les enfants en bas âge; b) par corbillard à un ou plusieurs chevaux, pour les autres personnes», stipule l’article 3 du Règlement pour les inhumations et les cimetières de la ville de Fribourg. Daté du 5 avril 1904, ce règlement, toujours en vigueur, fourmille de ce genre de dispositions obsolètes. Une révision complète s’imposait donc, mais le travail a été délicat car lorsqu’on s’approche de la mort, les émotions sont vives.

Un cimetière-forêt

En 1904, Fribourg vient d’achever la construction du ‘grand cimetière public de Grandfey’ hors de la ville, mais où conduit une ligne de tram. Il s’agit de répondre aux nouvelles exigences sanitaires et urbanistiques. Le cimetière s’installe dans un parc largement arboré qui, au gré d’agrandissements successifs, atteint aujourd’hui une surface de neuf hectares. Inscrit à l’inventaire Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), il représente un patrimoine important pour les Fribourgeois. Depuis quelques décennies, le plateau voisin a été colonisé par une vaste zone sportive et commerciale. Mais le cimetière résiste à l’urbanisation, comme une oasis de calme et de verdure au cœur des activités humaines.

Le cimetière de Fribourg, un jour de Toussaint 
(photo Gilles Gay-Crosier)


Le règlement de 1904 illustre bien les préoccupations de l’époque, notamment en matière d’hygiène: «Le corps du défunt est déposé dans un cercueil de bois absolument étanche et dont les joints seront goudronnés ou cimentés», ordonne l’article 10. Aucune personne ne peut être inhumée avant le délai de 48 heures depuis son décès (art 195, loi cantonale de 1850), ni après 3 fois 24 heures (art.6) Une disposition qui tombe en 2024, grâce aux chambres froides installées dans les morgues.

Mobilité douce avant l’heure

Les articles 15 et 16 consacrés aux funérailles résonnent comme les souvenirs d’un monde perdu: «Les participants à un convoi funèbre doivent s’y comporter avec dignité. Ils doivent notamment se placer à la suite du cortège et ne pas s’introduire dans les rangs du convoi déjà formé, s’abstenir de fumer, de se livrer à des conversations bruyantes, etc. Art. 16: Les cavaliers, voitures, tramways, véhicules quelconques, doivent s’abstenir de traverser le convoi funèbre et doivent s’arrêter au passage du corbillard. Le convoi funèbre tient le milieu de la chaussée.»

Gratuit pour les habitants de la ville

Depuis 1904, le principe veut que l’enterrement soit gratuit pour les habitants de la commune. Ce critère unique est inchangé. Il n’est pas question de religion, ni de confession. Dans ce sens, le cimetière est laïc, même s’il est centré autour du grand crucifix de molasse provenant du premier cimetière de la ville, autour de la collégiale Saint -Nicolas. Les personnes extérieures désireuses d’être enterrées à St-Léonard doivent s’acquitter d’un droit d’entrée qui peut aller jusqu’à 4000 francs.

Juifs et musulmans doivent payer

Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, cette disposition a fait tiquer les membres de la communauté juive qui dispose d’un carré réservé dans le cimetière. Comme dans le canton, seule la ville de Fribourg possède un carré israélite, les juifs qui désirent se faire inhumer selon les prescriptions de leur religion sont ‘obligés’ de s’y faire enterrer. Si elles habitaient hors de la ville, les familles doivent donc s’acquitter du fameux droit d’entrée. Le problème est analogue pour les musulmans.

Du côté de la ville, on défend l’égalité de traitement, il ne saurait être question de faire une discrimination basée sur une appartenance religieuse. Juifs et musulmans non-domiciliés à Fribourg devront payer.

Le carré d’une congrégation religieuse au cimetière Saint-Léonard, à Fribourg
© Maurice Page


Pas de perpétuité dans l’éternité

Un autre principe religieux veut que les sépultures juives et musulmanes soient perpétuelles et ne puissent pas être désaffectées. La perpétuité étant une notion inconnue du droit suisse, la solution trouvée est pragmatique. On octroiera des grandes tombes conventionnées (pouvant rassembler plusieurs tombes individuelles) de trente ans renouvelables avec la charge à la communauté de le faire autant qu’elle le souhaite. La même prérogative est accordée aux nombreuses congrégations religieuses présentes dans le cimetière fribourgeois.

Egalité dans la mort?

Une volonté d’égalité dans la mort s’affirme: Art. 27: «Les fosses sont ouvertes sur une ligne de la même parcelle, sans interruption, et les morts y sont ensevelis à la file, sans distinction de sexe et de famille». Art. 28: «Chaque fosse ne doit contenir qu’un cercueil, avec un seul cadavre, à moins qu’il ne s’agisse d’une accouchée et de son enfant nouveau-né.»

Une égalité pas tout à fait parfaite, puisque au-delà du ‘service de base’ gratuit, les familles des défunts peuvent obtenir une ‘concession’ pour une durée de 50 ou 100 ans, moyennant finances bien sûr. Le nouveau règlement maintient d’ailleurs cette différenciation entre les tombes à la ligne gratuites pour une durée de 20 ans et les tombes qu’on appelle désormais ›conventionnées’ pour une durée de 30 ans renouvelable. Pour une tombe simple, il vous en coûtera 1’950 francs pour 30 ans soit 65 francs par an.

En 1904, le texte prévoit qu’»à la demande d’un nombre de familles, suffisant pour justifier cette mesure, le Conseil communal peut aussi installer, le long des allées latérales intérieures du cimetière, des caveaux abrités sous une galerie couverte et en octroyer la concession à dites familles.» Si des galeries couvertes n’ont jamais été construites, les caveaux de familles constituent quelques-unes des 150 sépultures protégées au titre des monuments historiques, en fonction de la personnalité enterrée ou de leur valeur artistique. La commune veillera désormais à leur maintien et leur entretien.

Jardin et parc du souvenir: la mort anonyme?

Une évolution que les auteurs de 1904 ne pouvaient imaginer est celle de la crémation qui concerne aujourd’hui près de 80% des défunts. Les tombes cinéraires, qui reçoivent l’urne contenant les cendres du défunt, sont traitées de la même manière que les tombes à inhumation avec des tarifs adaptés en conséquence.

L’innovation vient du dépôt anonyme des cendres dans une urne commune placé au ‘Jardin du souvenir’ sans plaque ni mention du défunt. Le ›Parc du souvenir’ offrira une prestation un peu supérieure, puisque le nom de la personne décédée sera inscrit sur une liste. La possibilité d’un colombarium est également prévue, même s’il n’y a pour l’heure pas de projet dans ce sens. 

Des animaux dans le cimetière?

Une autre nouveauté, impensable pour les législateurs de 1904, est la possibilité d’inhumer au cimetière les cendres d’animaux de compagnie (Art.6) Les responsables indiquent qu’il s’agit de répondre à une demande des gens. Le règlement d’application ne fixe qu’une conditions: l’urne doit être constituée d’une matière biodégradable. A priori, il ne semble pas que des tombes ni des secteurs spécifiques puissent être prévus pour des animaux. Dans un élan d’antispécisme inattendu les cendres des animaux de compagnie devraient plutôt rejoindre la tombe de leur maître ou maîtresse. 

Pas de fantaisies

Autre élément essentiel réglé dans le détail: la question des monuments funéraires. Aujourd’hui comme hier, on ne pourra les installer qu’une fois passé un certain délai, le temps que la terre se soit tassée. Taille, emplacement, matériaux sont codifiés. Le règlement de 2024 stipule que: «Les motifs trop fantaisistes et/ou ne respectant pas l’éthique, le garnissage de gravier ou autres pierres, ainsi que les bordures et décorations en verre ne sont en aucun cas autorisés.» (art.18)

L’ornementation est en principe assurée par les membres de la famille des défunts. En 1904 le règlement indique, que «les tombes non entretenues par les parents ou amis du défunt seront ornées de verdure, pervenche, buis, etc., d’une manière simple et décente, par le surveillant du cimetière, auquel la commune fournira gratuitement ces plantes.» 120 ans plus tard, la ville est moins généreuse, le service existe toujours… mais il est payant. 

cath.ch