Le concours lancé par la Ville de Fribourg pour rafraîchir son identité visuelle suscite la critique. La Communauté romande du Pays de Fribourg (CRPF) déplore une volonté d'imposer «à la va-vite» un logo bilingue dans une commune francophone à plus de 85%.
Le 14 novembre, les autorités du chef-lieu cantonal ont annoncé vouloir rafraîchir l'identité visuelle communale officielle de 2003, qui «ne répond plus aux besoins». «Que ce soit au niveau du design, de la police de caractères ou encore de l'absence de bilinguisme, notamment, la version actuelle ne satisfait plus aux exigences.»
Le concours, dont le délai de participation s'est achevé ce mardi, a pour objectif de «définir une nouvelle charte graphique et son logotype bilingue unique pour l’administration communale», selon le descriptif de la Ville de Fribourg. L'appel était destiné aux professionnels de la branche établis sur le territoire communal.
Valeurs et objectifs
La nouvelle identité visuelle officielle devrait être disponible d'ici à l'été prochain, avant d'être appliquée de manière échelonnée sur les très nombreux supports concernés. Appelés à être utilisés partout, la nouvelle charte graphique et son logo devront refléter les valeurs et les objectifs principaux de la commune.
La décision a irrité la CRPF qui, dans un communiqué publié à la mi-décembre, se demande «quelle mouche a piqué le Conseil communal». Aux yeux de ses membres, l'identité visuelle d’une commune «doit refléter son statut linguistique officiel, et donc le logo de la Ville de Fribourg ne saurait être bilingue».
«La manœuvre cache mal la volonté du lobby alémanique, majoritaire au sein du Conseil communal, d’imposer la reconnaissance de l’allemand comme deuxième langue officielle de la ville», note la CRPF, pour qui le projet avait connu un coup d'arrêt avec l'échec du Grand Fribourg. L'association demeure toutefois sur ses gardes.
Canton bilingue
Désormais, l'exécutif «ne conteste pas le statut actuel du français comme seule langue officielle de sa commune mais, invoquant son histoire, sa position géographique et son statut de capitale d’un canton bilingue, il croit qu’elle peut fort bien se doter d’un logo en deux langues», écrit encore la CRPF.
Celle-ci relève que le débat intervient alors que la «très attendue» loi cantonale sur les langues sera tout prochainement mise en consultation. Le texte devrait définir la langue officielle de chaque commune, les conditions auxquelles peut se produire un changement de statut linguistique et la procédure à suivre.
«Il est donc urgent d’attendre», clame la communauté. Et de rappeler que la Constitution cantonale du 16 mai 2004 consacre «expressément le principe de territorialité des langues, lui donnant ainsi un poids particulier (article 6 al. 2)». Selon ce principe, chaque commune fribourgeoise n’a qu’une seule langue officielle.
Richesse à cultiver
Le Conseil communal défend pour sa part sa position. Au-delà de sa position géographique et son statut de capitale d'un canton comptant un quart de germanophones, il se dit «convaincu que le bilinguisme est une richesse à cultiver», selon des propos rapportés dans La Liberté récemment par le syndic Thierry Steiert, bilingue lui-même.
L'exécutif «se montre dès lors particulièrement sensible à l’usage conjoint des deux langues cantonales dans sa communication», explique l’élu. Il est aussi pressé par le Conseil général de modifier l'identité visuelle. Un postulat, voté par 55 voix contre 1 et 4 abstentions en 2022, le priait de rendre ce logo bilingue.
En 2013, lorsque le Conseil communal avait dévoilé une nouvelle mouture graphique, elle aussi exclusivement en français, le législatif s’y était opposé et avait réclamé un logo bilingue à la quasi-unanimité. Le projet actuel de changement a nécessité l'inscription de 50'000 francs au budget 2025 de la Ville.
Bilinguisme pragmatique
Officiellement francophone, Fribourg se vit donc comme bilingue. La commune applique un «bilinguisme pragmatique» au quotidien, traduisant ses documents officiels et veillant à ce que son journal communal 1700 soit rédigé en français et en allemand. Et cela même si la proportion de germanophones baisse drastiquement depuis 30 ans.
A fin 2023, 85,15% de la population établie et en séjour à Fribourg souhaitait recevoir sa correspondance en français, alors que 14,85% avaient opté pour l’allemand. Reste que «la ville se situe depuis sa fondation sur la frontière des langues», argumente encore Thierry Steiert. Pour rappel, elle compte quelque 38'000 habitants.
ATS