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lundi 27 octobre 2025

Le mythe des 1 000 km d’autonomie en voiture électrique : quand la quête du Graal vire à l’absurde


Rouler plus loin sans recharger : c’est la promesse-phare des voitures électriques. Mais derrière la course effrénée à l’autonomie se cachent de lourds paradoxes. Si des batteries XXL rassurent les automobilistes et boostent les ventes, elles alourdissent aussi le prix des voiture, mais aussi la facture écologique et minent la durabilité du secteur.

Quand on parle de voiture électrique, une question revient encore régulièrement chez la plupart des automobilistes : combien de kilomètres puis-je parcourir avant de devoir recharger ? Cette interrogation, presque instinctive, traduit une inquiétude bien connue : la fameuse anxiété liée à l’autonomie. La peur de la panne en quelque sorte.

Pour beaucoup d’entre eux, habitués aux véhicules thermiques ou hybrides capables de rouler 600 kilomètres ou plus avec un plein, l’idée de tomber en panne sèche de batterie reste rédhibitoire. La faute encore à quelques vieux démons autour de la recharge notamment, et de la densité de son réseau.

C’est pourquoi l’autonomie s’impose encore comme le nerf de la guerre dans la transition vers la voiture électrique. Mais derrière cette quête du « toujours plus » se cache un paradoxe : si des batteries plus grandes rassurent les clients, elles soulèvent aussi des problèmes économiques et environnementaux que l’industrie ne peut ignorer.

Elon Musk, le fantasque patron de Tesla, le martèle depuis déjà quelques années : pour lui, les grosses batteries ne servent pas à grand-chose. Elles sont même aux antipodes de l’intérêt d’une voiture électrique car, toujours selon lui, personne n’a besoin d’une voiture capable de faire plus de 800 ou 1 000 km d’une seule traite, surtout au vu de la densité du réseau de recharge actuel.

Cela n’empêche pas la marque de faire la course à l’autonomie, en témoigne la récente Model 3 aux 750 km d’autonomie. Ces chiffres en hausse ne sont pas forcément dû à une batterie plus grosse physiquement, mais plutôt via de nouvelles technologies, en l’occurrence l’usage d’une chimie NMC (nickel – manganèse – cobalt), qui possède l’avantage d’offrir une plus grande densité énergétique par rapport au LFP (lithium – fer – phosphate).

La longueur du trajet : un argument massue

Les études sont cependant sans appel : les clients privilégient quasiment systématiquement les modèles qui leur offrent la plus grande liberté de mouvement. Les voitures électriques avec une faible autonomie séduisent beaucoup moins. En clair, sans autonomie suffisante, pas de bascule massive vers l’électrique.

Des exemples, nous en avons quelques-uns à vous donner, à commencer par le Hyundai Kona par exemple, où la version à petite batterie a pendant un temps été retirée du catalogue sur la première génération, faute de ventes. Aujourd’hui, même si elle est revenue, elle est avant tout là pour constituer un prix d’appel et représente seulement 25 % des commandes.

Même les législateurs l’ont compris. En Californie par exemple, le California Air Resources Board a fixé des seuils minimums d’autonomie pour que les électriques puissent être comptabilisés dans les objectifs de vente de véhicules zéro émission. Si vous êtes un constructeur et que vos modèles n’atteignent pas ce plancher, ils ne comptent tout simplement pas dans la course aux quotas de voitures électriques. Autant dire que miser uniquement sur de petites batteries relève presque du suicide industriel.

Résultat : la bataille de l’autonomie est lancée. Plus votre modèle va loin, plus il attire de clients, répond aux critères réglementaires et renforce l’image de sérieux de la marque.

Mais à quel prix ?

Ce tableau flatteur a pourtant ses revers. Car une batterie plus grande n’est pas qu’une bonne nouvelle pour client. Sur le plan financier, cela se traduit par des véhicules plus chers à produire et à acheter. Logique après tout, car même si le prix du kWh est en chute libre (notamment en Chine), plus une batterie est grosse, plus il y a d’éléments et plus ça coûte cher.

Sur le plan environnemental, le constat est encore plus préoccupant. Les gros accumulateurs demandent plus de lithium, de cobalt, de nickel. Leur extraction est énergivore, polluante et génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Sans compter que les usines qui produisent ces batteries fonctionnent encore largement grâce aux énergies fossiles.

À ce niveau, il y a bien évidemment encore du travail à faire, même si la voiture électrique est amenée à compenser cet excédant lors de sa production durant tout son cycle de vie où elle ne rejettera rien (à l’échappement).

Sur le plan géopolitique, plus la dépendance aux matériaux critiques augmente, plus les constructeurs deviennent vulnérables aux fluctuations des marchés mondiaux. Un soubresaut du prix du lithium peut suffire à ébranler toute une stratégie industrielle.

Bref, la quête de l’autonomie « XXL » risque de transformer la solution en partie du problème.

L’équation impossible : séduire sans alourdir

Alors faut-il renoncer aux batteries de grande capacité ? Pas si vite. Car même dans leur version la plus gourmande en ressources, les véhicules électriques restent plus propres sur le long terme que leurs équivalents à essence ou diesel, surtout dans les pays où l’électricité se décarbone, comme en France par exemple.

Le véritable enjeu est donc ailleurs : trouver l’équilibre. Offrir suffisamment d’autonomie pour rassurer les automobilistes, sans sombrer dans une fuite en avant technologique et environnementale.

Plus que jamais, l’innovation doit porter sur l’efficacité énergétique et la durabilité des batteries, pas uniquement sur leur taille.

Comment (bien) mesurer l’autonomie ?

Une difficulté supplémentaire complique le débat : toutes les autonomies affichées ne se valent pas. Chaque région du monde utilise un cycle d’homologation différent. En Europe, le WLTP est devenu la norme après le très contesté cycle NEDC. La Chine applique son propre protocole, le CLTC, tandis que les États-Unis utilisent encore un cycle maison, le fameux EPA. Résultat : comparer les chiffres bruts entre un modèle vendu à Pékin et un autre vendu à Berlin peut s’avérer trompeur.

Pour harmoniser les données, les chercheurs appliquent des coefficients de correction : +15 % pour convertir NEDC et CLTC en WLTP, et +20 % pour les valeurs américaines. Ces ajustements permettent d’obtenir une moyenne représentative et plus honnête de l’autonomie réelle.

Enfin, les autonomies sont pondérées par le volume des ventes de chaque modèle. Car il ne suffit pas d’avoir un modèle vitrine capable de 700 km si, dans les faits, ce sont les citadines avec 200 km d’autonomie qui se vendent le plus.

Qui va le plus loin ?

D’après les chiffres rapportés par une étude réalisée par l’ICCT en 2024, l’autonomie moyenne mondiale des voitures électriques a encore progressé : 431 km contre 419 km en 2023. Mais derrière cette moyenne se cachent de fortes disparités.

Tesla reste le champion incontesté avec une moyenne de 537 km. Une avance confortable qui confirme son image de pionnier, même si elle a tendance à reculer à mesure que la concurrence progresse.

General Motors a créé la surprise : grâce à deux nouveaux modèles, à savoir la Blazer EV (600 km) et l’Equinox EV (616 km), le groupe atteint désormais 517 km en moyenne. Honda suit de près, dopé par le lancement de son SUV Prologue (512 km), qui représente déjà plus de la moitié de ses ventes électriques.


Du côté chinois, la montée en gamme est spectaculaire. Chery a abandonné ses modèles à petites autonomies comme le QQ Ice Cream (148 km) au profit de l’iCAR 03 (483 km), tandis que sa marque premium Luxeed est arrivée sur le marché avec la R7, un modèle qui affiche une autonomie de 685 km et qui vient largement rehausser la moyenne. Changan brille grâce à ses marques premium Deepal et Avatr. La Deepal SL03, par exemple, atteint 613 km.

À l’inverse, Mazda reste à la traîne avec seulement 229 km en moyenne, un chiffre qui pourrait vite devenir rédhibitoire à mesure que le marché se durcit. La nouvelle Mazda 6e (qui est un clone de la Deepal SL03 citée plus haut) devrait sans doute améliorer la moyenne qui, pour l’instant, est représentée par un seul produit, à savoir le MX-30, un modèle loin d’être le champion de l’autonomie.

Autonomie vs efficacité : deux batailles à mener

Outre l’accent mis sur l’autonomie, il ne faut pas la confondre avec l’efficacité. Certes, un véhicule efficient parcourt plus de kilomètres avec la même batterie. Mais pour le client, les deux notions jouent sur des leviers différents :

L’efficacité énergétique réduit les coûts de recharge.

L’autonomie détermine le confort et la liberté de déplacement.
Un constructeur ne peut donc pas miser sur l’un au détriment de l’autre. La bataille se gagnera sur les deux fronts à la fois.

Les chiffres le prouvent : l’autonomie des véhicules électriques continue de croître, et la pression des clients comme des législateurs pousse les constructeurs dans cette direction. Mais cette course n’est pas sans quelques interrogations.

Allons-nous vers une escalade absurde où chaque nouveau modèle affichera 700, 800 voire 1 000 km, au prix d’un désastre écologique en amont ? Ou bien assisterons-nous à une rupture technologique (batteries solides, matériaux alternatifs, recyclage de masse) capable de concilier autonomie et durabilité ?

Pour l’instant, l’autonomie reste un argument marketing puissant et un critère de survie réglementaire. Mais tôt ou tard, les clients, les ONG et les États exigeront davantage : non plus seulement rouler plus loin, mais rouler (vraiment) plus propre.

Yann Lethuillier