Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

vendredi 2 avril 2010

Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour obéir?

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Dans nos sociétés, les décisions capitales sont prises par 20 % de la population. Ce sont des gens éduqués pour gérer les processus économiques, politiques et culturels. Mais quels intérêts servent-ils? Les leurs? Ceux de leur communauté? Ceux de puissants conglomérats? Une chose est aussi sûre que nécessaire: il leur faut donc établir un consensus afin de mener les 80 % de la population laissés hors du circuit décisionnel, à consentir aux orientations choisies. Pour y parvenir, quoi de mieux que la propagande de masse véhiculée par les médias ? Ce sont eux qui instaurent les références, le traitement et le filtrage de l’information afin de servir les objectifs de l’élite. La population accepte généralement l’orientation donnée, sans le recul nécessaire pour se demander si ce qu’on l’incite à faire est juste. Un individu peut difficilement désobéir à l’injonction d’un groupe auquel il prête du pouvoir. C’est ce que nous montre cet article du Point, qui décrypte une nouvelle émission TV diffusée sur France 2 le mercredi 17 mars, basée sur "l’expérience de Milgram", trés bien expliquée dans le film d’Henri Verneuil I comme Icare.

En 1963, le professeur de psychosociologie Stanley Milgram inventait une expérience démontrant à quel point un individu peut obéir à un ordre contraire à ses valeurs. En l’occurrence, l’individu se voyait demander d’infliger des décharges électriques de plus en plus fortes à un prétendu cobaye. Une expérience popularisée par le film I comme Icare , d’Henri Verneuil. Le cobaye était, en fait, de mèche avec le professeur et ne recevait nullement ladite électrocution. Il était situé dans une pièce voisine et se contentait de gémir en fonction des voltages de plus en plus puissants… Tout cela n’était qu’un subterfuge de manière à examiner le comportement de celui qui, obéissant aux injonctions du professeur Milgram, était capable d’infliger la charge électrique maximale. À l’époque, 62 % des personnes avaient obéi jusqu’au bout en se mettant dans "un état agentique"*, selon l’expression du professeur… 47 ans plus tard, combien d’entre nous, placés dans des conditions identiques, sont capables d’infliger jusqu’à 460 volts ? C’est ce que France 2 a voulu tester, en s’appuyant sur l’équipe du professeur Jean-Léon Beauvois, chercheur en psychologie sociale, dans un documentaire passionnant, Le Jeu de la mort , réalisé par Christophe Nick, diffusé le 17 mars prochain en prime time.

France 2 a légèrement modifié les paramètres de Milgram. Ici, il s’agit de vérifier l’impact de l’autorité quand celle-ci, au lieu d’être incarnée par un scientifique en blouse blanche, repose entre les mains d’une simple animatrice télé, en l’espèce, Tania Young. L’équipe du professeur Beauvois a donc reproduit l’expérience de Milgram, mais en la transposant dans un faux jeu télévisé. Une petite annonce passée dans la presse a permis de sélectionner 80 candidats. Chacun d’entre eux pensait participer au pilote (non diffusé) d’un nouveau jeu télé pour le compte de France Télévisions. Leur participation est bénévole. Un public est présent, qui applaudit comme dans les vraies émissions de jeu…

Le supplice de la chaise électrique

Le jour du tournage, les personnes sélectionnées se voient expliquer la règle : elles devront questionner un autre candidat (en fait, un acteur de mèche avec les scientifiques), lequel devra retenir 27 associations de mots. À chaque mauvaise réponse, le questionneur devra, en guise de "punition", pousser un levier et ainsi soumettre le candidat fautif à une décharge électrique de plus en plus importante. Le spectre du voltage part de 20 volts pour aller jusqu’à… 460 volts, en grimpant par tranche de 20 volts… Première surprise : aucun des 80 postulants ne conteste, à ce stade, le principe même du jeu. Comme chez Milgram, l’acteur n’est pas visible du questionneur. Il entre dans une capsule où on l’attache à une chaise électrique, puis on referme la capsule. Si bien que le questionneur est entretenu dans l’illusion que les décharges sont réelles, car il entendra les réactions à la douleur du faux candidat, mais ne le verra pas gigoter sur sa chaise. Et pour cause : l’acteur sort de la capsule par un petit passage secret, dissimulé à l’arrière. Ce qui va se passer à partir de là nous plonge dans une certaine horreur…

À 80 volts, devant la douleur (feinte) de l’électrocuté, le rire du questionneur est la première réaction de décompression. "Le rire relaxe et permet au cobaye de poursuivre vers de plus hauts voltages", explique Jean-Léon Beauvois. À 180 volts, les cris de l’acteur sont plus vifs : un premier groupe de questionneurs se rebelle. "À ce moment-là, 17 % des questionneurs décident de tricher en appuyant de la voix les bonnes réponses au QCM", observe le professeur Beauvois. À 320 volts, l’acteur supplie d’arrêter le jeu, mais l’animatrice Tania Young presse le questionneur : "Ne vous laissez pas impressionner, continuez…" Comment poursuivre la torture ? 70 % de ceux qui persistent nient la victime en parlant pendant qu’elle crie. À 380 volts, l’acteur ne réagit plus. Le silence fait croire que la décharge l’a fait s’évanouir. Et malgré cela, 80 % des questionneurs vont au bout de l’horreur… C’est plus qu’en 1963 ! Sur les 80 personnes testées, trois n’ont pas souhaité que leur passage figure dans le documentaire. Sur ces trois personnes, deux font partie des désobéissants. Plus intrigant, le "champion des rebelles" a refusé de se montrer. Il s’agit d’un individu qui, non seulement, a désobéi, mais a réussi à retourner en sa faveur le public de l’émission afin que cesse le tournage.

Désobéir ? Un exploit

Désobéir ? Visiblement, c’est difficile pour un individu isolé, soumis à la pression, même d’une simple animatrice. Ils ne sont donc que 17 sur 80 à avoir osé se rebeller contre l’autorité. La situation de l’expérience est, bien entendu, artificielle et mérite d’être relativisée. "Ceci ne se produirait pas dans le cadre d’une entreprise où un individu, soumis à un ordre contraire à ses principes, pourrait toujours s’appuyer sur, par exemple, ses collègues pour refuser d’obéir." Ici, l’individu n’a aucun recours. Il passe pour la première fois à la télé. Les caméras, les lumières, le public, tout l’impressionne. Et puis, il a confiance dans la production qui, pour l’inciter à aller plus loin, lui fait savoir, par l’intermédiaire de l’animatrice, qu’elle le décharge de toutes ses responsabilités… Le cobaye subit cinq degrés d’injonction. Si, à la cinquième, il continue à résister, le jeu s’arrête. L’expérience le considère comme un désobéissant.

L’équipe de Jean-Léon Beauvois a introduit des variantes sur un petit échantillon des cobayes. Dans la première d’entre elles, l’animatrice se retire et confie la maîtrise du jeu au seul questionneur. Dès lors, sans la pression de l’autorité, le taux de désobéissance monte à 75 %. Deuxième variante : introduire un conflit entre deux autorités légitimes. Le scénario est le suivant : à 180 volts, une personne de la production fait irruption sur le plateau sur le mode "On arrête tout, ça dérape, c’est une catastrophe !" Tania Young, au contraire, insiste pour poursuivre le tournage. Le questionneur observe donc que quelque chose cloche. Il doit choisir son camp : l’animatrice ou la chargée de production…

"La télévision est mûre pour tuer"

C’est ici l’une des différences majeures avec l’expérience de Milgram, lequel avait lui aussi introduit ce conflit entre autorités : en 1963, la désobéissance était massive. Aujourd’hui, les questionneurs ont continué à pousser les décharges en se rangeant aux ordres de l’animatrice Tania Young ! "Des situations qui produisaient le désordre n’en produisent plus", constate le professeur Beauvois, tandis que Christophe Nick, l’auteur du documentaire, en déduit que "la télévision est mûre pour accueillir un jeu où le but consiste à tuer son prochain".

Conclusion sans doute un peu exagérée, non ? "Cette expérience est terrifiante parce qu’elle montre que nous obéissons davantage à la télévision qu’à n’importe quel pouvoir, conclut-il dans L’Expérience extrême , un ouvrage (aux éditions Don Quichotte) qui relate les détails de cette aventure humaine aux confins de l’horreur. C’est la dérive de la télévision commerciale vers des programmes de plus en plus violents qui a banalisé la torture sur un plateau."

* Etat agentique : selon S. Milgram, l’individu se considère comme l’agent d’une volonté extérieure (mais le sens moral de l’individu ne disparait pas : tension, états d’âme, conscience du mal. Ils se sentent engagés auprès d’une autorité extérieure.)

Egger Ph.