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dimanche 7 juillet 2013

Prism : les dirigeants européens "savaient depuis longtemps"


Les experts en cybersécurité dénoncent la mauvaise foi des institutions européennes et des États membres de l'UE, qui feignent de découvrir le pot aux roses.

Le scandale Prism n'en finit pas de rebondir. Outre les internautes "lambda" du monde entier, l'Union européenne et ses États membres ont été la cible de l'espionnage américain mené par la NSA, l'agence de sécurité qui avait déjà mis en oeuvre le programme Échelon dès les années 1970. Depuis les révélations du magazine allemand Der Spiegel le week-end dernier, les dirigeants européens se sont tous émus d'être la cible d'un "allié", d'un "ami", et ont exigé des comptes. Mais ces réactions offusquées ne sont qu'une façade : ils étaient au courant depuis des mois, voire des années, qu'un système comme Prism ciblait l'ensemble des pays du monde, sans discernement.

La levée de boucliers des dirigeants européens est "surréaliste", car "ils savaient bien entendu depuis des années" qu'ils étaient espionnés, selon Hervé Schauer, administrateur au Club de la sécurité de l'information français (Clusif), qui regroupe des centaines d'entreprises high-tech présentes en France, dont des géants américains. "Les services de renseignements européens savaient depuis longtemps, donc leurs dirigeants aussi", renchérit Gérôme Billois, expert du cabinet français Solucom. Lui aussi membre du Clusif, il doute qu'un seul gouvernement européen ait pu ignorer l'existence de Prism.

La Commission européenne confirme... implicitement

Contacté par Le Point.fr, Antonio Gravili, porte-parole de la Commission européenne sur les questions de sécurité, a refusé de commenter cette affirmation. Il a cependant précisé que "les règles de sécurité n'ont pas changé depuis que le scandale Prism a éclaté". Une façon de reconnaître que les informations dévoilées par la presse étaient déjà connues au plus haut niveau à Bruxelles. "Nous utilisons tous les moyens techniques qu'une organisation comme la nôtre doit utiliser", explique encore Antonio Gravili. "Nous utilisons aussi tous les types de chiffrement disponibles, selon le degré de sensibilité des informations que nous voulons protéger", conclut-il.

"Aucun pays membre de l'OTAN ne pouvait ignorer l'existence d'un système comme Prism, dont la technologie est connue depuis des années", juge pour sa part Sean Sullivan, expert en cyberguerre chez le Finlandais F-Secure. Pour lui, rien ne va changer : "Les révélations vont officialiser la situation, mais le travail de renseignement de la NSA va évidemment continuer", estime-t-il. "Il faut accepter que sur Internet, les communications sont comme des cartes postales plutôt que comme des lettres : tout le monde peut lire ce qui est écrit", conclut-il.

Les Européens n'ont plus confiance dans les États-Unis

Jarno Limnéll, docteur en science politique et directeur de la cybersécurité chez Stonesoft, estime pour sa part que "certains États membres de l'UE étaient au courant de l'existence d'un tel programme" et que "la surprise est venue de l'ampleur de l'espionnage et du fait qu'il soit aussi clairement dirigé contre les gouvernements alliés". "Cela aura des conséquences sur les relations diplomatiques, sur la coopération : les Européens n'auront plus confiance dans les États-Unis", regrette-t-il.

D'autres experts interrogés sous le couvert de l'anonymat, car les États sont aussi leurs clients, vont aussi dans ce sens. "Tous les grands pays européens" étaient informés par leurs experts de l'existence de Prism, estime le directeur de la cybersécurité d'un grand groupe américain du secteur. La France et l'Allemagne, qui disposent de services secrets "autonomes et à la pointe", "en connaissaient même des détails", affirme un autre responsable de la sécurité informatique, chez un géant français cette fois. Des pays plus petits mais particulièrement en avance sur la cybersécurité, comme l'Estonie, "ne pouvaient pas ignorer l'existence de Prism et son mécanisme de fonctionnement", ajoute un autre expert.

La Grande-Bretagne "participe activement"

Quant à la Grande-Bretagne, elle est d'autant plus au courant que ses services "participent activement" à l'espionnage global mis en oeuvre par la NSA, selon un expert coréen. "Quand on visite un grand opérateur britannique à Paris, on remarque des installations bizarres, connectées aux points d'échanges internet français. On se doute bien que cela fait partie de Prism", dénonce Hervé Schauer. De quoi raviver les craintes de "cheval de Troie" américain en Europe, que l'on croyait enterrées avec le XXe siècle...

"La liberté des agences de renseignements américaines évolue en fonction du climat géopolitique", décrypte Hervé Schauer. "Les abus de la guerre froide avaient mené à serrer la bride des services américains, mais la lutte contre al-Qaida après le 11 septembre 2001 a fait tomber nombre de restrictions psychologiques et légales", regrette-t-il.

Guerric Poncet