Une ONG a épluché les chiffres rendus publics par les cinq plus grandes banques françaises. Conclusion : leur présence dans les paradis fiscaux reste "tout sauf anecdotique ou marginale".
Les bâtiments du Crédit agricole et de BNP Paribas à Genève (Suisse), en août 2008. (DENIS BALIBOUSE / REUTERS)
La réforme bancaire, votée en 2013, produit ses premiers effets. Pour la première fois, comme l'exige cette loi, les banques françaises ont publié des données concernant leurs filiales dans chacun des pays où elles sont implantées. Cette présentation, appelée "reporting pays par pays" et considérée comme un gage de transparence, devrait être obligatoire l'an prochain pour toutes les banques européennes.
L'ONG CCFD-Terre solidaire a épluché les chiffres rendus publics par les cinq plus grandes banques françaises (BNP, Banque populaire-Caisse d'épargne, Société générale, Crédit mutuel et Crédit agricole). Sa conclusion est sans appel : "En dépit des annonces officielles sur la fin des paradis fiscaux et le retrait des banques de ces territoires opaques, (...) la présence des banques françaises dans les paradis fiscaux reste tout sauf anecdotique ou marginale." Francetv info détaille les principaux enseignements de cette étude.
358 filiales dans des paradis fiscaux
Sur les 3 040 filiales des cinq banques françaises étudiées, 1 698 se trouvent à l'étranger, dont 358 dans l'un des 50 paradis fiscaux et judiciaires recensés par la Cour des comptes américaine. CCFD-Terre solidaire décline également ses statistiques sur la base d'une liste plus large de paradis fiscaux, comprenant notamment la Belgique et les Pays-Bas.
Au total, 21% des filiales étrangères de ces cinq banques françaises se trouvent dans un paradis fiscal. Si ce taux n'est que de 15% pour BNP Paribas, il grimpe à 35% pour le Crédit mutuel.
Des activités floues et très rentables
BNP Paribas et la Société générale sont les deux banques dont le produit net bancaire (PNB) réalisé dans les paradis fiscaux est le plus important, respectivement 3,1 milliards d'euros et 2,2 milliards d'euros. Si l'on compare ces chiffres au PNB réalisé par ces banques à l'international, c'est toutefois le Crédit agricole qui arrive en tête : 20% de son PNB à l'international provient de ses activités dans les paradis fiscaux.
CCFD-Terre solidaire a rapporté ces revenus au nombre de personnes employées par les filiales domiciliées dans les paradis fiscaux. Verdict : "Un salarié travaillant dans un paradis fiscal réalise en moyenne deux fois plus de chiffre d’affaires qu’un salarié dans le reste des filiales (et même plus de trois fois pour la Société générale)", note le rapport. Exemple extrême : un salarié BPCE en Irlande est plus de treize fois plus productif que les salariés travaillant dans les autres filiales.
"Ces chiffres viennent nous conforter dans l’idée que la nature des activités des banques dans les paradis fiscaux n’est pas du même ordre que dans les autres territoires", souligne l'ONG. En effet, précise l'étude, les banques de détail sont sous-représentées dans les paradis fiscaux. Au contraire, les holdings, "sociétés consolidantes", fonds d'investissements et "sociétés financières" y sont plus présentes qu'ailleurs.
Faute de données suffisamment précises, CCFD-Terre solidaire ne peut pas directement accuser ces établissements bancaires de se livrer à des activités illégales. Mais ces éléments font naître des interrogations quant au but recherché par la création de filiales offshore, qu'il s'agisse d'évasion fiscale (pour les banques elles-mêmes ou pour le compte de leurs clients) ou bien d'une façon d'échapper aux règles qui s'imposent normalement aux banques sur les marchés financiers
Le Luxembourg, paradis des banques françaises
Quelles sont les destinations préférées des cinq banques françaises étudiées ? Loin devant toutes les autres, on trouve le Luxembourg, où s'épanouissent 118 filiales des cinq groupes bancaires français étudiés. Viennent ensuite l'Irlande, la Suisse, Hong Kong, Singapour, Jersey et Monaco.
En termes de richesse générée, le Luxembourg (qui compte à peine plus de 500 000 habitants) arrive là encore loin devant, avec plus de 3 milliards de dollars, devant Hong Kong et la Suisse. L'ONG note que les cinq plus grandes banques françaises réalisent en moyenne près de 7,5% de leur chiffre d’affaires dans les paradis fiscaux et judiciaires, contre seulement 2,5% dans les pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Note : le classement proposé par CCFD-Terre solidaire mentionne également la Belgique, les Pays-Bas et la Hongrie. Nous avons décidé de les faire disparaître du classement car ces pays ne font pas partie de la liste des paradis fiscaux de la Cour des comptes américaine.