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samedi 12 septembre 2015

Personne remarquable : Monsieur Denis Mukwege


Le Dr Mukwege a déjà soigné plus de 40'000 femmes violées. © DR


Le Dr Mukwege a déjà soigné plus de 40'000 femmes violées. Il voit dans les actes de barbarie qu’il traite une politique de destruction à laquelle ni l’Etat congolais, ni la communauté internationale ne s’opposent vraiment.

Il y a quelque chose de triste dans le regard du Dr Mukwege. Sa forte stature, son impeccable costume rehaussant sa prestance, sa poignée de main solide ne parviennent pas à cacher une grande lassitude. Lorsqu’il porte ses yeux vers le paysage urbain pluvieux de Bruxelles où il s’est réfugié durant deux mois, on a parfois le sentiment qu’il a perdu espoir.

Le gynécologue congolais, surnommé l’homme qui répare les femmes, plusieurs fois primé et pressenti comme Prix Nobel de la paix, a été victime de 6 attentats par balles dont le dernier a eu lieu le 25 octobre dernier dans la ville de Bukavu où il a son hôpital. Pour lui sauver la vie, un de ses employés a été tué devant lui, le sang ayant coulé dans son jardin devant ses filles et sa femme. Mais ce n’est pas cela qui décourage tant le Dr Denis Mukwege. Cela fait 17 ans qu’il vit dans la violence et que l’humanité qu’il a en lui est profondément mise à l’épreuve. Ce qui le fait vaciller aujourd’hui, c’est avant tout l’indifférence.

Toujours sensibiliser

«Je ne comprends pas, assure-t-il une dernière fois avant de repartir en RDC (République démocratique du Congo) le 14 janvier dernier, pourquoi la communauté internationale ne bouge pas? Pourquoi écoute-t-elle les histoires de ces femmes avec une horreur manifeste et laisse-t-elle tout cela se perpétrer?»

Le Dr Mukwege s’est emparé de toutes les tribunes qui lui étaient offertes: l’ONU, le Sénat américain, le Parlement européen. Il est allé piquer les puissants dans leur chair, en racontant dans le détail comment la chair des femmes congolaises était ravagée par la violence des groupes armés de l’Est du Congo. Il a raconté encore et encore. «Lorsque j’ai ouvert en 1999 l’hôpital de Panzi à Bukavu, destiné à devenir une maternité, la première femme que j’ai soignée n’avait nul enfant dans le ventre. Elle avait été violée, puis on lui avait tiré des balles dans le vagin. Je n’avais jamais imaginé qu’elle puisse survivre.»

Ce qui était ce jour-là un cas exceptionnel est devenu au cours de la même année aussi fréquent qu’une épidémie. «Un jour, j’ai reçu une petite fille: 3 ans. Elle n’avait plus d’organes génitaux. Un trou béant. Mais j’ai vu aussi des organes déchiquetés par des objets contondants, du bois, du fer, des baïonnettes, de l’acide. J’ai vu des lèvres, des seins, des clitoris sectionnés.» Il a opéré jusqu’à 18 heures d’affilée pour reconstituer ce qui pouvait l’être. «Les vieilles femmes aussi sont victimes: on leur réserve un traitement particulier, généralement avec des objets contondantssur le rectum.»

Violence incontrôlée

De son hôpital de Panzi, le Dr Mukwege mesure ainsi, le cœur effaré, la gravité de ce qui se passe dans les campagnes. Il recoupe les récits et réalise que les atrocités ne doivent plus rien au hasard de la violence incontrôlée. «J’ai commencé à lire la signature des groupes dans les plaies des femmes.» Au départ, il s’agissait d’actes de barbarie attribués aux Interahamwe, les miliciens responsables du génocide rwandais en 1994. Mais ces violences ont été adoptées par l’ensemble des groupes armés de la région avec une méthodologie qui s’est affinée, structurée, organisée.

Les groupes armés viennent la nuit, entourent les villages, mettent les femmes à part et les violent devant la famille proche et parfois le village entier. Ensuite, ils s’acharnent sur les organes génitaux afin qu’ils ne puissent plus jamais servir. «On s’attaque-là à la reproduction, à la démographie, à la matrice de la vie et de l’avenir du Congo», tente de formaliser le Dr Mukwege.

Davantage de victimes

L’horreur accrue va de pair avec un nombre sans cesse accru de victimes: en 2004, il soigne 3604 cas. En 13 ans, il a soigné plus de 40'000 femmes. 40'000 femmes pour son seul hôpital de Panzi, situé dans la seule ville de Bukavu dans le sud de la province du Kivu, cet eden congolais où certains nantis viennent passer leur week-end au bord du lac Kivu, dans des villas à un million de dollars.

Etrangement, le Dr Mukwege reprend vie dès qu’il parle, évoque le cas de ces femmes. Son indignation à lui est manifestement intacte. «Elles sont fortes, incroyablement fortes.» Jeune docteur, il voulait les aider à enfanter dans des régions où elles mourraient d’hémorragies, un enfant coincé dans le bassin. Mais depuis 15 ans, il passe sa vie à faire survivre des femmes qui n’enfanteront jamais. S’il a repris la route de Bukavu depuis le 14 janvier, c’est parce que sa vie n’a de sens qu’auprès d’elles qui attendent son retour. La sécurité à laquelle il peut prétendre depuis son attentat n’est pas garantie. L’enquête sur les meurtriers n’a pas abouti. «Il n’y aura jamais de paix sans justice», dit-il. Mais tant pis.

Funeste prémonition

«Le barbare est celui qui ne s’oppose pas à la barbarie», disait Claude Lévy-Strauss. Au-delà de toute étiquette politique, le Dr Mukwege va donc continuer à s’opposer à la barbarie. Mais il rentre au Congo avec une funeste prémonition. «Le discours tenu par un nombre croissant d’observateurs sur les Congolais est un discours qui laisse sous-entendre qu’il n’y a pas d’hommes capables au Congo, qu’il n’y pas d’avenir pour ce pays. Il n’y a qu’un pas entre ce discours et l’acceptation que ces hommes soient mis à mort comme une conséquence acceptable de cette dépréciation.»



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Les agressions se multiplient dans les camps

Les femmes dans les camps de déplacés autour de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), sont victimes d’agressions sexuelles dans une proportion de plus en plus alarmante, selon Médecins sans frontières (MSF). L’ONG française, dans un récent communiqué, a indiqué avoir pris en charge 95 victimes de violences sexuelles en moins d’un mois, précisément entre décembre et janvier dernier.

La plupart des agressions ont lieu sur la colline de Rusayo, où les femmes vont chercher le bois pour faire la cuisine, explique dans le chef-lieu du Nord-Kivu un responsable de MSF, Thierry Goffeau. MSF déplore «le manque d’implication des entités de protection de la population civile» alors que la présence renforcée de militaires et de groupes armés à proximité des camps a «créé une insécurité chronique où les viols sont monnaie courante».

«Pour une seule journée de janvier, nous avons eu 27 cas», précise M. Goffeau. Le bouche-à-oreille peut certes expliquer l’accroissement des femmes violentées qui viennent en confiance se plaindre et se faire soigner à l’antenne de MSF installée dans le camp de Mugunga III, à l’ouest de Goma, selon M. Goffeau. A la mi-octobre dernier, l’hôpital Heal Africa, qui prend notamment en charge des femmes violées, s’était déjà alarmé d’une croissance «dramatique» des cas de viols au Nord-Kivu, expliquant avoir recensé «à peu près 5000 femmes violées depuis le début de l’année 2012». L’hôpital a surtout mis en cause des «groupes armés», et indiqué que des militaires se rendaient aussi coupables de ces violences.

M. Goffeau, lui, accuse des «hommes armés» attirés par un effet d’aubaine, plutôt que ceux qui violaient auparavant dans un but de destruction du tissu social ou comme une arme de guerre. Aucun rebelle du Mouvement du 23 mars (M23) – qui a occupé Goma durant onze jours fin novembre, et campe depuis aux portes de la ville – ne circule vers la colline de Rusayo, occupée par des soldats de l’armée gouvernementale, les Forces armées de la RDC (FARDC), selon M. Goffeau. En revanche, a-t-il accusé, des miliciens locaux Maï-Maï Nyatura et des rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) – deux groupes régulièrement accusés d’exactions – sont présents dans le secteur, ainsi que des malfaiteurs évadés de la prison à la prise de Goma.

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Une vocation

Denis Mukwege est né en 1955 dans le sud du Kivu au sein d’une famille de 9 enfants. Sa vocation médicale a grandi dans le sillage de son père pasteur qui se rendait avec lui auprès des malades de la région. La prière ne pouvant sauver ceux qui avaient besoin de médicaments, il décide de devenir médecin. Après avoir achevé ses études au Burundi, il s’installe à Lemera dans le Sud-Kivu et ouvre un hôpital. C’est là qu’il découvre la tragédie sanitaire que vivent les femmes lors des accouchements en brousse. Il décide alors de se réorienter vers l’obstétrique, se rend en Europe achever des études, puis revient à Lemera.

En 1996, la première guerre congolaise éclate. Ses malades sont tous massacrés. Il s’enfuit, récolte des fonds, relance ses activités. En 1999, il ouvre l’hôpital de Panzi à Bukavu: sa première patiente est une femme violée. Ainsi commence la folle et essentielle spécialité du Dr Mukwege: la réparation des organes génitaux féminins.

Denis Mukwege reçoit le prix Sakharov 2014

Le prix Sakharov 2014 du Parlement européen a été attribué mardi à Denis Mukwege. Ce gynécologue congolais travaille auprès des femmes victimes de viols et de violences sexuelles dans le contexte de conflits armés.

Les présidents des groupes politiques, qui décernent le prix, se sont prononcés à l'unanimité, a annoncé à Strasbourg le président du Parlement, Martin Schulz.

Il a précisé que les eurodéputés manifesteraient leur soutien aux deux autres finalistes, le mouvement pro-européen ukrainien Eudo-Maïdan, qui sera associé à la remise du prix à Strasbourg le 26 novembre, et la militante azerbaïdjanaise des droits de l'homme Leyla Yunus, actuellement emprisonnée. «Une délégation de tous les groupes politiques sera envoyée en Azerbaïdjan pour lui apporter notre soutien», a-t-il dit.

Quand le viol est utilisé comme une arme de guerre

Le viol est utilisé comme une arme de guerre dans de nombreux conflits armés de par le monde et Denis Mukwege le sait bien. Ce gynécologue de 59 ans de la République Démocratique du Congo (RDC) a fondé l’hôpital Panzi à Bukavu en 1998, au milieu de la guerre civile, où il soigne les victimes de violence sexuelles atteintes de blessures graves.

La guerre est peut-être terminée officiellement en RDC mais le conflit armé continue à l’est du pays, ainsi que les attaques contre les civiles et les viols. En plus de voyager régulièrement pour défendre les droits des femmes et de s’occuper de l’hôpital Panzi, Denis Mukwege continue à voir les patients et à opérer deux fois par semaine.

Il a été nominé pour le Prix Sakharov par les groupes de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D) et de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) ainsi que la députée Barbara Lochbihler.

Exposé au danger

«Depuis quinze ans, je suis témoin d'atrocités de masse commises sur le corps des femmes et contre les femmes et je ne peux pas rester les bras croisés, car notre humanité commune nous invite à prendre soin les uns des autres.» C'est avec ces mots simples que Denis Mukwege expliquait en décembre dernier son engagement au service de dizaines de milliers de femmes de son pays, victimes d'une violence indicible et qu'il aide à se reconstruire.

Agé de 59 ans, le Dr Mukwege aurait pu rester vivre et travailler en France après ses études. Il a fait le choix de retourner dans son pays, la République démocratique du Congo (RDC), et d'y rester aux heures les plus sombres.

Son combat pour la dignité des femmes, premières victimes des conflits qui ravagent l'est de la RDC depuis plus de vingt ans, l'expose au danger. Régulièrement menacé, il a échappé de peu un soir d'octobre 2012, grâce au sacrifice d'un domestique, à une attaque d'hommes armés venus chez lui pour le tuer.

Né en mars 1955 à Bukavu, dans l'est de ce qui est encore le Congo belge, Denis Mukwege est le troisième fils d'une famille pentecôtiste de neuf enfants. Après des études de médecine au Burundi voisin, il revient dans sa ville natale pour exercer à l'hôpital de Lemera. Là, il découvre et vit au quotidien les souffrances de femmes qui, faute de soins appropriés, souffrent régulièrement de graves lésions génitales après un accouchement.

Un prix doté de 50'000 euros

Le prix Sakharov «pour la liberté de l'esprit» est décerné à des personnes ou à des organisations qui se battent pour les droits de l'Homme ou la liberté d'expression. Il est doté de 50'000 euros (environ 60'000 francs suisses).


«L’homme qui répare les femmes - La colère d’Hippocrate» restera interdit en RDC


Le gouvernement congolais a annoncé jeudi l'interdiction définitive du film consacré au combat du gynécologue congolais Denis Mukwege en faveur de milliers de femmes violées dans l'Est. Il accuse son réalisateur d'avoir proféré des «menaces» contre un ministre du pays.

Kinshasa avait annoncé le 2 septembre l'interdiction de diffuser «L'homme qui répare les femmes - La colère d'Hippocrate» en République démocratique du Congo (RDC), en arguant que ce documentaire, récompensé par plusieurs prix internationaux, témoigne d'une «volonté manifeste de nuire» à l'armée congolaise et de «salir» son image.




Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais et ministre des Médias et de la Communication, avait alors accusé le cinéaste belge Thierry Michel de faire mentir dans son commentaire les témoignages en langues swahili et mashi de personnes apparaissant à l'écran - ce que le réalisateur a par la suite démenti.

«Suite à des demandes d'un réexamen» de l'interdiction, décriée en RDC et à l'étranger, «nous avions mis sur pied une commission chargée de corriger la traduction malencontreuse pour une plus fidèle, en vue d'une éventuelle autorisation de diffusion», a expliqué jeudi en conférence de presse M. Mende, qui avait signé l'autorisation de tournage de l'équipe.


«Menaces d'une violence incroyable»

Cependant, le porte-parole a affirmé que le réalisateur n'avait «pas trouvé mieux» que de lui «adresser des menaces d'une violence incroyable», prédisant que, comme le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997), il ne serait pas enterré dans son pays s'il refusait de «diffuser son documentaire en l'état».

«Qu'un étranger vienne menacer un ministre au lieu d'introduire un recours normalement contre une décision, on ne doit pas trouver cela normal. C'est pourquoi la décision a été gelée. Pour moi, elle ne sera plus revue: ce film reste interdit», a martelé M. Mende.

«Maladresse»

«L'Homme qui répare les femmes» a été réalisé par Thierry Michel et sa compatriote journaliste Colette Braeckman. Sur son blog, cette dernière explique qu'elle a voulu trouver une «solution à l'amiable» avec Kinshasa, où elle s'est même rendue, afin que «nul ne perde la face et surtout que la population congolaise puisse prendre connaissance d'un film qui lui était destiné en premier lieu».

Elle souligne qu'un «échec était parfaitement envisageable» parce que la RDC avait peut-être d'autres motifs pour justifier l'interdiction, mais accuse M. Michel d'avoir «torpillé une négociation qu'il savait imminente et délicate, en faisant connaître les conclusions de ses propres traducteurs et en interpellant maladroitement le ministre de l'Information».

Le documentaire montre l'oeuvre du Dr. Mukwege dans son hôpital de Panzi, à Bukavu, capitale du Sud-Kivu. Dans cette institution qu'il a créée en 1999, il aide à se reconstruire physiquement et psychologiquement les femmes victimes de viols accompagnés de violences sauvages commis à grande échelle dans l'est de la RDC depuis une quinzaine d'années, aussi bien par les groupes armés que par les troupes régulières.

L'ONU dénonce l'interdiction du film sur le Dr Mukwege

L'interdiction en République démocratique du Congo du film consacré au combat du gynécologue congolais Denis Mukwege en faveur de milliers de femmes violées est «inadmissible», estime le représentant spécial de l'ONU dans ce pays, Martin Kobler, dans un communiqué rendu public mercredi à Kinshasa.

M. Kobler, chef de la Mission de l'ONU en RDC (MONUSCO), estime que l'interdiction de ce documentaire, «L'Homme qui répare les femmes», est «une atteinte inadmissible à la liberté d'expression», a déclaré le chef de l'information publique de la MONUSCO, Charles Bambara, lors d'une conférence de presse à Kinshasa. La liberté d'expression est «garantie par la Constitution congolaise et les lois internationales» et «M. Kobler demande donc instamment aux autorités congolaises de revenir sur leur décision», a ajouté M. Bambara.

Pour M. Kobler, a encore indiqué M. Bambara, il importe de «laisser les cinéphiles juger par eux-mêmes de la pertinence et des arguments développés dans ce film pour se faire une idée du drame vécu par des milliers de femmes congolaises violées» dans l'est de la RDC. «De la même façon que nous dénonçons ces viols de ces femmes, de la même façon donc nous nous élevons contre toute tentative de censure qui pourrait empêcher l'effort de sensibilisation de la population contre le viol et (toute) autre forme de violence faite aux femmes», a conclu M. Bambara au nom du chef de la MONUSCO.

LAURENCE D’HONDT