Depuis un mois, l’application mobile de lutte contre le gaspillage alimentaire, «Too Good to go», s’est emparée de la Suisse. Quelque 110 enseignes, dont 36 romandes, cèdent leur nourriture pour quelques pièces.
Pourquoi jeter et payer pour des déchets alors qu’il serait possible de les vendre et de gagner de l’argent? C’est le concept de l’application «Too Good To Go» (TGTG), qui peut se traduire par «trop bon pour être jeté». Bien que l’idée soit proche de la vente de déchets, en fait il s’agit de permettre aux utilisateurs de TGTG de bénéficier de repas cuisinés quotidiennement à un prix défiant toute concurrence, aux alentours de 5 francs. En à peine deux mois depuis la mise en place de l’application en Suisse romande, 36 enseignes ont rejoint le mouvement, réparties dans les grandes villes.
Concrètement, les restaurants sont démarchés par l’équipe de TGTG. «Généralement ceux qui acceptent sont soit des traiteurs qui cuisinent des grandes quantités pour que leurs buffets soient toujours garnis ou des entreprises qui travaillent avec des produits ultrafrais, comme des boulangeries», estime Flore Martinson, initiatrice du projet en Suisse romande. Les entreprises partenaires doivent estimer combien de «portions» de nourriture – un mixte des invendus — vont lui rester en fin de journée. Et à quelle heure les utilisateurs de TGTG pourront venir chercher leur panier surprise.
Un concept recyclé
La nouveauté ne réside pas dans le concept puisque quelques enseignes offrent gratuitement – pour certaines depuis des années – les invendus à leurs derniers clients, à leur personnel, au voisinage ou à des associations. Ce qui est nouveau en revanche, c’est de les faire payer.
Un argument que Flore Martinson ne dément pas mais précise: «Ceux qui offrent spontanément leur produit sont minoritaires et nous n’insistons pas pour travailler avec eux. Nous voulons plutôt changer les procédures de ceux qui préfèrent jeter que donner.» Et d’après son expérience, il s’agit de la plupart des restaurateurs. «Notre concept est d’offrir une visibilité aux invendus avec un réel avantage commercial qui les motive à ne pas gaspiller. Le but n’est vraiment pas de faire payer plein pot les restes», ajoute-elle.
Vraiment économique?
Le prix des portions est fixé, et figé, dès le début du partenariat. «Nous recommandons à nos partenaires un montant entre 3 et 6 francs», explique Flore Martinson. Et là-dessus, TGTG retient 1,50 franc par portion. «Nous sommes conscients que la commission est élevée mais ce taux est amené à diminuer dès qu’il y aura plus de joueurs», précise-t-elle.
Le gain reste important pour les consommateurs. Par exemple, le traiteur indien Laxmia, à Lausanne, propose tous les midis un buffet pour 19,80 francs. Mais, dès que sonne 21h30, ses plats passent à 4,50 francs pour les utilisateurs de TGTG.
Pour les restaurateurs en revanche, l’avantage n’est pas aussi évident selon Flore Martinson: «Ce qui est difficile à leur faire comprendre, c’est que le but n’est pas de brader leur marchandise mais de gagner de l’argent sur de la nourriture qu’ils allaient, de toute façon, devoir jeter.» Ce qu’a compris le groupe Gilles Desplanches, l’un des premiers partenaires romands: «On ne gagne presque rien sur la diminution des coûts de déchets parce que nous avons des contrats avec les entreprises spécialisées. C’est vraiment pour le concept que nous le faisons», confie Stéphanie Vonlanthen, directrice d’administration du groupe.
Origine danoise
Le concept de TGTG est né au Danemark en janvier 2016. Depuis, il a conquis sept pays européens et a mis un pied aux Etats-Unis. Au total, plus de 300 000 repas ont été sauvés en Europe, selon TGTG. Et plus de 450 tonnes de gaz à effet de serre ne seront pas émises dans l’atmosphère.
L’idée séduit particulièrement les Suisses qui ont téléchargé l’application plus de 50 000 fois. Ce qui équivaut à la moitié des téléchargements effectués en Europe. «Etonnamment, c’est le pays dans lequel nous nous développons le plus rapidement alors que de manière générale, nous avons assez d’argent pour nous payer à manger», commente Flore Martinson.
Vu ce succès, certains grands groupes, comme Starbucks, pensent à rejoindre le mouvement. Un partenariat a été conclu en Norvège et la discussion est en cours à Zurich. Migrolino et Autogrill risquent de lui emboîter le pas.
Christelle Maillard