Le Frère Pierre Hostettler est supérieur du couvent des capucins de Fribourg
(© Raphaël Zbinden)
Le couvent des capucins de Fribourg fête en 2017 ses 400 ans. L’occasion de revenir sur les spécificités et l’histoire de cet ordre, qui allie prière, simplicité de vie et proximité avec la population.
Habillé de sa bure typique, munie d’un capuchon pointu, le Frère Pierre Hostettler marche lentement dans les potagers de son couvent. L’endroit surplombe la Sarine et offre une vue splendide sur la vieille ville de Fribourg.
Les premiers capucins qui sont arrivés de la province de Savoie en 1609 ne se sont pas directement établis à la rue de Morat, explique le religieux. Un terrain avait en premier lieu été mis à disposition au Criblet, près de l’ancien Hôpital des Bourgeois. Mais à cause de problèmes touchant à la propriété, les Frères acceptèrent une autre parcelle, offerte en “cadeau perpétuel” par les familles de Buman et Progin à la rue de Morat. Les religieux purent occuper le couvent, avec ses 27 cellules, en 1617.
“Soldats” de la Contre-Réforme
L’évêque du diocèse et le gouvernement de la ville de Fribourg souhaitaient l’implantation des capucins pour des raisons religieuses et politiques. Il s’agissait principalement de contrer les idées de la Réforme protestante qui avaient le vent en poupe. Dans le contexte de la Contre-Réforme, les autorités fribourgeoises avaient déjà fait venir des jésuites en 1582, pour s’occuper de la formation des élites et fonder le Collège St-Michel. Les capucins étaient plus naturellement orientés vers la base populaire.
L’église du couvent des capucins de Fribourg
(© Raphaël Zbinden)
L’ordre des capucins (OFM cap.) avait été fondé une soixantaine d’années auparavant par trois religieux franciscains du nord de l’Italie. Ils désiraient retourner aux sources de la spiritualité de saint François d’Assise, notamment revenir à un style de vie plus simple et résider dans des couvents plus petits. “Pour des raisons historiques et politiques, en Suisse, les capucins ont été néanmoins forcés de fonder des couvents plus grands”, précise Frère Hostettler, qui relève la taille plutôt importante du complexe de Fribourg.
Capuches pointues
Les Frères mineurs fondateurs, qui faisaient partie de la branche de l’Observance, voulaient créer des ermitages. Ils avaient l’impression de ne plus pouvoir prier et se ressourcer de manière satisfaisante au sein du mode de vie franciscain de l’époque. Le pape Clément VII, renseigné sur le comportement exemplaire des “séparatistes”, notamment lors d’épisodes de peste, émit en juillet 1528 une bulle autorisant leurs activités. De nombreux autres observants les rejoignirent. Ils fondèrent alors un groupe dénommé les “Frères mineurs de la vie érémitique”. Par la suite, ils se dotèrent d’un habit particulier en ajoutant à la bure traditionnelle des franciscains un capuchon pointu. Cela leur valut leur “surnom” de capucins (cappuccini signifie ‘capuches’ en italien).
La capuche pointue est le signe distinctif des capucins
(© Raphaël Zbinden)
Les capucins se sont distingués par leur dévouement dans plusieurs endroits d’Europe, notamment dans le soin aux populations lors d’épidémies. Ils étaient estimés pour leur mode de vie rude et leur enseignement solide, note Frère Pierre. La proclamation de l’Evangile a été dès le début l’un des points forts de la congrégation.
De la lutte au dialogue
Lorsque la Réforme a commencé à se propager largement, dans les années 1530, les capucins ont donc été utilisés dans le cadre de grandes missions de Contre-Réforme, pour confesser les fidèles et prêcher dans les paroisses. Le Concile de Trente (1545-1563) les a confirmés dans cette tâche de “consolidation” de la foi catholique.
L’évêque de Genève saint François de Sales (1567-1622), exilé à Annecy, dont le siège épiscopal était occupé par les calvinistes, les a notamment envoyés dans l’actuelle Suisse romande.
Si l’une des missions principales dévolues aux capucins a été de garder le dépôt de la foi le plus juste possible, ce charisme a évolué au fil du temps, remarque Frère Pierre. Depuis la Contre-Réforme, la congrégation a effectué un sensible rapprochement avec le protestantisme. Et les capucins sont même à présent en pointe des efforts œcuméniques, en particulier dans la démarche du Souffle d’Assise, un parcours de formation franciscaine assurée par la communauté de St-Maurice.
Présence spirituelle
L’ordre a aussi évolué au fil des siècles dans le sens d’une plus grande attention à l’éducation et à la formation. De plus en plus de prêtres et de personnes avec un bon niveau d’études ont émergé de ses rangs. Cela n’a cependant pas empêché les capucins de maintenir un fort attachement avec les milieux les plus simples. Ils ont notamment marqué pendant longtemps de leur présence les zones rurales de Suisse et d’ailleurs.
“La vie capucine est profondément communautaire”
Ce contact avec les personnes dans leur quotidien leur a donné une dimension particulière de disponibilité. “Nous essayons de constituer une présence, un chemin d’accès continuel à la spiritualité pour les personnes en recherche”, note Frère Pierre. “Après la récente fermeture du couvent de Bulle, à cause du trop faible nombre de religieux, beaucoup nous ont fait part de leurs regrets d’avoir perdu cette source de réconfort spirituel”. Le couvent de Fribourg peut heureusement l’assumer au mieux malgré les forces réduites.
Chantres de la simplicité
Cette conjugaison de profondeur spirituelle et d’ouverture au monde est typique de cet ordre. Pour le supérieur du couvent de Fribourg, l’un des plus grands apports des capucins à l’Eglise a ainsi été la création “d’outils” d’approfondissement de la vie spirituelle. Les capucins auraient notamment introduit le chapelet. Ils ont en général été très influents dans l’institutionnalisation de moments réguliers de prière et d’adoration au sein de la vie consacrée.
Le réfectoire du couvent des capucins de Fribourg
(© Raphaël Zbinden)
Ils ont également contribué au maintien d’un idéal de simplicité et de pauvreté dans l’Eglise. Un aspect qui a retrouvé aujourd’hui un accent particulier grâce au pape François. Traditionnellement, les capucins ne devaient pas posséder d’argent. Ils devaient vivre de la quête, notamment pour la nourriture, principalement auprès des populations rurales. Et même si cela a changé au cours des 50 dernières années, l’argent à disposition est toujours géré et utilisé de façon commune, avec une attention particulière à la sobriété et à la simplicité. Car la vie capucine est également profondément communautaire et encourage le soutien collectif.
L’Inde en renfort de Fribourg
L’ouverture au monde des capucins se révèle en outre dans leur ferme soutien à la multiculturalité. Le couvent de Fribourg accueille notamment actuellement une vingtaine de réfugiés.
La Province suisse des capucins a également décidé de pallier au vieillissement de ses membres et à la baisse de leurs effectifs en se tournant vers les autres continents. Le couvent de Fribourg accueille ainsi depuis 11 ans des capucins de l’Andhra Pradesh, une province du centre de l’Inde. Contre la possibilité de faire leurs études en Suisse, ils s’engagent à rester dans le couvent. “Il s’agit d’une très fructueuse expérience d’enrichissement mutuel au nom de la collaboration internationale au sein de l’Ordre, qui nous apporte beaucoup d’espoir pour la continuation de la présence capucine à Fribourg et en Suisse romande”, souligne Frère Pierre.
Entre 10’000 et 11’000 capucins oeuvrent actuellement dans plus de 100 pays. En Suisse, ils sont environ 130. La Province suisse des capucins a été fondée en 1589 et comporte trois régions linguistiques. En Suisse romande, ils sont présents à Delémont, Fribourg, Saint-Maurice et Sion.
Festivités du jubilé
Pour les 400 ans de leur couvent, les capucins ont choisi de mettre en valeur la bibliothèque de l’humaniste et homme d’Etat fribourgeois Peter Falck, reçue en legs en 1688. Ce fonds constitue un monument patrimonial d’importance européenne. L’exposition est visible jusqu’au 14 janvier 2018, au Musée Gutenberg, à Fribourg.
Une messe festive chantée aura également lieu le 29 octobre en l’église des capucins, à Fribourg, avec Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du Sud.
Le couvent des capucins de Fribourg
(© Raphaël Zbinden)
Raphaël Zbinden