la France a rendu mercredi aux Invalides un hommage solennel au colonel au cours d'une cérémonie qui a rassemblé toutes les forces politiques et de nombreux anonymes.
"Sa grandeur a sidéré la France", a déclaré Emmanuel Macron devant le cercueil du gendarme recouvert d'un drapeau français, en présence de plus de 1.200 invités et du gouvernement au complet.
En donnant sa vie pour sauver une otage lors de l'attaque jihadiste de vendredi dans l'Aude, Arnaud Beltrame a rejoint les rangs des héros français, de Jean Moulin à Jeanne d'Arc et Charles de Gaulle, des soldats de Verdun aux combattants du maquis et aux Justes, selon le président.
En dénonçant "l'obscurantisme barbare" dans son éloge funèbre prononcé devant une assistance émue, le chef de l'Etat a associé au gendarme Mireille Knoll, l'octogénaire assassinée à Paris pour laquelle est organisée une Marche blanche mercredi soir.
Cette "femme innocente et vulnérable" a été tuée "parce qu'elle était juive", a déclaré Emmanuel Macron, en fustigeant tous ceux qui "profanent nos valeurs sacrées".
Dans l'après-midi, il s'est rendu aux obsèques de la vieille dame à Bagneux (Hauts-de-Seine), une décision qui n'avait pas été annoncée au préalable.
"Hydre islamiste"
Face à "l'hydre islamiste", cet "ennemi insidieux", "nous l'emporterons grâce au calme et à la résilience" et "par la cohésion d'une nation rassemblée", avait-il auparavant martelé aux Invalides. "Sa mémoire vivra, son exemple demeurera. J'y veillerai. Je vous le promets". Il a ensuite déposé sur le cercueil du gendarme Beltrame la croix de commandeur de la Légion d'honneur.
Les principaux responsables politiques étaient présents aux Invalides: les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy, arrivés ensemble, les chefs de parti Marine Le Pen (FN), Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Laurent Wauquiez (LR), plus de 300 députés et des anciens ministres, dont François Fillon, Alain Juppé, Manuel Valls.
Dans la foule figuraient aussi les familles des victimes, les personnes présentes lors de l'attaque, des élus des communes touchées ainsi que des centaines d'anonymes, dont de nombreux militaires.
"Aujourd'hui il fallait être là. D'abord pour dire merci, et ensuite pour dire: stop, il faut que ça s'arrête", témoigne Frédéric, qui a bravé la pluie pour venir aux Invalides.
Avant la cérémonie, des milliers de personnes, dont des centaines de lycéens, ont salué le passage du convoi funéraire dans les rues de Paris, le long d'un trajet jalonné de CRS, gendarmes mobiles, cavaliers à cheval et sapeurs-pompiers, en tenues d'honneur. Il était parti symboliquement du Panthéon, le monument dédié aux grandes personnalités françaises, à l'heure où une minute de silence était observée dans toutes les gendarmeries et préfectures.
A l'issue de la cérémonie, le chef de l'Etat s'est entretenu à huis clos avec les familles d'Arnaud Beltrame et des trois autres victimes -Hervé Sosna, Jean Mazières et Christian Medves-, qui seront toutes inhumées jeudi dans la région de Carcassonne.
"Droit, lucide et brave"
Arnaud Beltrame a été promu au grade de colonel sur décision du président.
Silhouette élancée et yeux clairs, Arnaud Beltrame était sorti major de l'Ecole militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan en 1999, avant de vivre de riches expériences dans une unité d'élite de parachutistes, en Irak, à la sécurité de l'Elysée et au commandement d'une compagnie en Normandie.
Dans son éloge, Emmanuel Macron a décrit comment, vendredi à midi, le gendarme avait "levé les bras et s'était avancé seul vers le terroriste" et "pris la place de l'otage".
Il "a pris une décision qui n'était pas seulement celle du sacrifice, mais celle, d'abord, de la fidélité à soi-même, à ses valeurs, à tout ce qu'il avait toujours été et voulu être", a-t-il dit. "L'un d'entre nous venait de se dresser, droit, lucide et brave".
Emmanuel Macron a ensuite raconté "la lueur" d'espoir qu'il avait eue que le gendarme survive, avant d'apprendre son décès. "Pendant ces heures interminables (...) dans la salle de commandement du ministère de l'Intérieur, nous avons tous espéré. (...) Le petit matin, hélas, nous apportait la nouvelle de sa mort, comme un coup au coeur".
Il n'en était pas à son 1er acte héroïque
Il y a douze ans; le gendarme a connu son premier fait d'armes. Sa mission consistait à assurer la sécurité de l'ambassade, participer à la protection rapprochée des diplomates et sécuriser les convois entre la ville et l'aéroport, relève l'hebdomadaire français. A cette époque, les enlèvements d'occidentaux étaient monnaie courante en Irak et Arnaud Beltrame a été informé qu’une Française, militante pacifiste, était visée par un groupe terroriste qui voyait en elle une «otage idéale». Cette dernière avait débarqué dans le pays en 2003 en voulant jouer le rôle de bouclier humain pour empêcher le bombardement du pays par les Etats-Unis de George W. Bush.
Si les détails de cette mission d'exfiltration sont restés secrets, un coin du voile a été levé ce week-end lors des premiers hommages à Arnaud Beltrame. La Gendarmerie nationale a ainsi fait savoir que cet épisode s'était déroulé «dans des conditions particulièrement dégradées» en terme de sécurité. «Il avait conduit, au péril de sa vie, une mission complexe de récupération d'un ressortissant français menacé par un groupe terroriste, qui lui vaut d’être décoré de la croix de la valeur militaire avec citation à l’ordre de la brigade».
Depuis sa mort, Arnaud Beltrame symbolise le «sens du devoir», la «bravoure», le «courage» et «l'héroïsme», et certaines municipalités ont déjà donné son nom à une rue ou un lieu public.
Ses obsèques seront célébrées jeudi à Ferrals-les-Corbières (sud), là où il résidait avec son épouse. Les trois autres victimes de l'attaque djihadiste seront également inhumées jeudi.
Face à la mort, le gendarme a ordonné l'assaut
La chaîne M6 a pu écouter l'enregistrement du téléphone laissé volontairement allumé par le policier, au moment où ce dernier s'est proposé d'être échangé avec une otage.
Arnaud Beltrame est resté trois heures auprès du terroriste, Radouane L., dans les locaux du magasin Super U.
Selon une source proche du dossier, le gendarme a voulu désarmer le terroriste, à l'intérieur de la salle des coffres.
C'est alors que les deux hommes se sont battus. Radouane L. a tiré sur le policier, avant de le poignarder à la gorge.
A cet instant, Arnaud Beltrame a crié «assaut, assaut !», à l'intention de ses collègues restés en position à l'extérieur du supermarché. Radouane a été abattu. Le gendarme, lui, est mort quelques heures plus tard à l'hôpital, des suites de ses blessures.
Egger Ph.